mardi 21 juin 2011

Les livres de leçons.

Maman apporte toujours des petits cadeaux lorsqu'elle vient à la maison. certains sont merveilleux, telles ces dînettes pour la salle de jeux des enfants, d'autres sympathiques, comme ce carton de confitures que mes enfants se  sont distribué en  faisant mine de se disputer:


Moi j'adore les confitures de cerises de mamie!
Mais, laisses moi celles de figues! 
Tu as déjà pris celles aux abricots!
Hep là! Et moi? J'adore les confitures et mes colocs aussi.

D'autres sont des cadeaux empoisonnés, j'ai appris à les reconnaître et à m'en défier. Il y a dix jours maman m'a ainsi donné deux livres, avec  très longues dédicaces et annotations. Je crains le pire et  je ne les ai pas encore ouverts, ni même lu les dédicaces. Elle avait la mine sombre et l'oeil larmoyant en me les offrant, je sais, de longue expérience,  que cela n'augure pour moi, rien de bon.

Il y a ainsi  Un âge certain de Madeleine Chapsal et une bio de Soeur Emmanuelle. Je pressens des livres fun, propres à maintenir un moral au zénith, tout à fait ce que j'adore. Je sais que maman aime à me donner des leçons à travers des petits cadeaux, mais je n'ai plus envie de messages ni de leçons qui déchirent mon coeur des années après lorsque j'y pense. Je me suis octroyée il y a quelques années le droit à la légèreté de l'esprit, le droit à l'innocence. Je ne suis ni responsable, ni coupable de la vie de ma mère, ne partage pas sa façon de voir la vie  et affirme mon  droit à l'indépendance et échapper à la malédiction familiale du malheur partagé sans cesse alimenté.

Curieuse, j'ai lu néanmoins les critiques  trouvées sur Internet d''Un âge certain, la vieillesse des femmes n'est pas un enfer ainsi que l'affirmait  La Rochefoucault, message de l'amour  universel vécu dans la vieillesse. Je n'ai jamais pensé que la vieillesse fut un enfer, ni pour les hommes, ni pour les femmes, pourquoi serait ce différent? Seuls les inconvénients du corps qui lâche peu à peu  des articulations qui crient à  la vue qui baisse seront je l'espère des obstacles que je devrai contourner. Même si ce livre est bon, enfin à ce qu'en disent des lecteurs,  je n'ai pas envie de le lire, non pas car c'est ma mère qui me l'a offert, mais parce que je ne l'aurais jamais lu, à priori.

Ma belle mère m'avait offert un livre au Noël dernier,  je l'ai  jeté, j'en avais lu vingt pages tout de même, puis avais renoncé. Je n'en ai conçu aucun remord. Je sais qu'il y avait guère de risque qu'elle me fit faire ensuite un compte rendu de lecture et il y avait moins d'affect dans ce petit présent qu'il n'y en a dans ces deux cailloux qui plombent ma table de chevet. Rien que de les apercevoir mon humeur s'assombrit.

Je n'ouvrirai pas non plus la bio de Soeur Emmanuelle, j'ai déjà lu celle de Soeur Thérèse, c'est bon, comme dirait mes ados. Ça va, c'est génial,  mais pas pour moi. Je sais que maman comme ma belle mère recycle ses livres en nous les donnant, cela ne me choque pas, mais j'aurais préféré que maman me laisse ainsi que que je lui avais demandé Une vie de Simone Veil, elle ne l'a pas fait.

Au téléphone, maman me demandera, très bientôt, ce que j'ai pensé des bouquins et de ce qu'elle m'en dit, je pourrais lui mentir avec aplomb et faire pleins de compliments, surtout si je n'ai lu ni les uns ni les autres. Si je reste  assez pondérée, elle ne soupçonnera pas ma supercherie, en principe, je ne mens jamais. Je pourrais toujours feindre une urgence domestique si je perds pied.  Mais si je m’astreint à ces lectures, je ne pourrai plus mentir, au risque de lui faire, éventuellement de la peine.

Il m'est déjà arrivé de jeter des courriers de maman sans les ouvrir, j'hésite à jeter ces livres annotés, le regretterais je un jour? Si je les jette je ne le saurai jamais, si je les garde sans les lire, cela encombrera un tout petit bout d’une étagère, pour rien, lâcheté qui ne résout rien. Si je lis ses écrits, que cela soit maintenant, ou pire après sa disparition, à l'aube de ma propre vieillesse et que je trouve cela pitoyable serait ce une bonne chose?


LHom, consulté, m'a dit sans hésitation, Tu jettes tout! Il connait maman et me connait  mieux que personne. je verrai si bientôt  d'un geste de courage, je me délie de ce testament peut être trop lourd pour moi.



                                                 Mauvaise fille

17 commentaires:

Anne** a dit…

Certains font des cadeaux pour se débarrasser d'objets, sans se soucier du plaisir ou déplaisir de celui qui recevra.
Certains font immédiatement disparaître tout ce qu'on leur offre et qu'ils n'ont pas eux-mêmes choisi.
Certains recoivent avec reconnaissance le moindre objet, sans jamais se poser la question de l'utilité ou l'esthétique de la chose. Recevoir est à soi seul un si beau cadeau.
On peut être tous ceux-là successivement ....

Anonyme a dit…

je me propose de vous offrir "une vie" de Simone Veil. Lydia.

zenondelle a dit…

Oui c'est vrai, "Une vie" de Simone Weil aurait été plus approprié. Ton texte est poignant et juste, il fait écho. Longtemps les cadeaux m'ont fait horreur, conventionnels ou chargés de malheur aussi. Aujourd'hui tout a changé et j'ai le souci, pour ma part, d'offrir ce qui convient à l'autre. C'est une recherche, un effort, qui exige que la relation aille au-delà des choses passées, des apparences. Il s'agit plutôt de toucher la vie de l'autre, au plus profond.
Zénondelle

Anonyme a dit…

C'est pour celà que j'ai envie d'offrir "une vie" de Simone Veil à Pénélope, qui sans le savoir m'accompagne tous les jours.C'est MON livre que je lui offrirai, c'est mieux qu'un neuf.

SylvieT a dit…

pourquoi méchante? Blessée peut-être, certainement.Ne jettez pas les livres, donnez les à Emaüs, ils serviront à d'autres et vivront leur vie de livre sans être un caillou!Vous pourrez vous dire que quelqu'un les aura appréciés plus que vous!

Clo a dit…

que c'est long de se liberer de "l'emprise" de sa famille et oui, cela passe par ce cheminement. Sentir que tel ou tel cadeau est trop chargé et risque de raisonner trop longtemps et trop lourdement.
Je lis uniquement par période, et par moment, trop émotive, je ne suis pas capable d'absorber certains livres que je vais pourtant déguster à une autre période (Le coeur cousu fut une révélation de ce fait) Peut-être pouvez vous dire à votre maman que vous ne pouvez pas les lire en ce moment ;-)
Mais ne les gardez pas, surtout si leur vue seule vous dérange... votre époux a raison !

Anne** a dit…

La maison chez vous semble bien grande. Je suppose qu'il y a un grenier. Je suis sûre que vous possédez une malle, peut-être même une malle venant de chez votre maman.
Et si vous y mettiez tous ces objets, courrier, livres dont la vue aujourd'hui vous insupporte ? Vous pourrez ne jamais l'ouvrir sauf pour y ajouter un objet supplémentaire. Vos enfants s'en chargeront plus tard, et découvriront autrement leur grand-mère, peut-être.
Et si l'idée même de l'existence cette malle est trop lourde, la jeter avec tout son contenu ne devrait pas poser de problème.
C'est ma réflexion de fin d'après-midi ! Après être allée saluer l'exochorda en pensant à vous.
P.S Et si nos mères avaient eu ces mêmes difficultés avec leurs propres mères ? Et nos enfants avec nous ? Non, c'est impossible, bien sûr ...

Charlotte a dit…

vous vous etes partagé les confitures de mamy sans moi???
j'espere que vous m'avez quand meme laissé au moins un pot de figues...

Françoise a dit…

Personnellement, je sais maintenant à suffisance, les "les cadeaux" que pour les affronter, y compris les dédicaces et autres annotations..

Mais je ne commente pas à l'interessé si je n'en ai pas envie par contre.

Si je n'aime pas.. je donne à d'autres, je trouve l'idée de donner à une ONG très bonne, ou dans des maisons de retraite.

Par contre, on peut aussi avoir besoin de temps pour s'abituer à de nouvelles choses qu'on a reçues j'ai reçu des rosiers (4) la semaine derniere. Et, certains ne sont pas ceux que j'aurais choisi.. Dilemme.. je me sens obligée de les planter.. j'ai donc beaucoup hésiter.. et à force de les regarder.. ils m'ont apprivoisée.. j'ai appris à les aimer..

Il m'a juste fallu un peu de temps pour les adopter..
Un peu comme pour certains bébés, la maman doit "apprendre" à les aimer.. l'amour maternel n'étant pas toujours spontané (ce qui est très culpabilisant pour la nouvelle maman d'ailleurs) et cela ne signifie pas que la maman est une mauvaise maman.. simplement, elle a besoin d'un peu de temps..

J'ai reçu aussi des foulards, des objets déco.. que j'ai du apprendre à aimer..

Mais je fais totalement absraction de l'intention probable ou supposée du donateur.. puisque une fois le cadeau devenu mien, c'est entre lui et moi que ça se joue..

Ladywaterloo a dit…

@Charlotte, le coffre trop plein de Camille et Amélie leur ont fait laisser, cette fois ci, leurs confitures, je regarderai, il y en a beaucoup. J'ai deux pots de figues (pour le foie gras des fêtes) je pourrai de toute façon t'en laisser un qui te réchauffera dans tes futures contrées.

@Toutes, les cadeaux de maman ne sont pas tous toxiques heureusement, merci d'abord de votre grande gentillesse, je me suis résolue à jeter ces livres, indonnables car longuement dédicacés. J'ai beaucoup de petites choses venant d'elle, heureusement bien plus sympa. Les énumérer serait trop long mais des couvertures de berceau de bébé à certains petits bibelots, j'ai même gardé des trucs "bizarres" telle une broche fantaisie que je juge vraiment "mémé" mais là c'est peut être une question d'opinion! A cette époque là, maman pensait que j'allais m'habiller mémé,car j'ai l'âge qu'elle avait quand elle a pris ce déguisement, mais c'était gentil, juste cela ne me correspond pas du tout!

Et j'ai pu lire bien entendu "Une vie" qui est un livre que j'ai adoré comme je m'y attendais. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour cette grande dame. Merci Lydia de ton offre si gentille. Es tu la lydia que je connais dans un autre monde?

Ladywaterloo a dit…

@Françoise, quels sont ces rosiers? des modernes oranges flashy?

Lydia a dit…

Non,vous ne me connaissez pas, bien que je vous considère comme une soeur de pensée.Je n'ai pas l'impression d'être "tombée" sur vous par hasard.

Sophie a dit…

Ce billet ainsi que certains déjà sur ta mère, me touche beaucoup ...
j'ai moi aussi une relation difficile avec ma mère (doux euphémisme puisque nous ne nous parlons plus depuis 8 mois !)
Je suis fille unique, non désirée, et je me suis souvent entendu dire pendant mon adolescence que la vie de ma mère aurait été tout autre (sous entendue bien plus réussie) si je n'avais pas eu la mauvaise idée de pointer mon petit nez ... voila qui vous fait partir dans la vie avec un bon bagage !
Heureusement pour moi, j'ai rencontré mon mari, j'ai eu trois enfants, qui m'ont aidé à déposer ce lourd bagage ... Une nouvelle famille, en somme, que je me suis faite ...
Mais le mot méchante du livre de Nadja, je le retiens, parce qu'il faut bien reconnaitre que les gens méchants, cela existe et que parfois, ce peut même être votre mère ...

Françoise a dit…

Bonjour,

Des rosiers dont deux sont un peu "raides", j'aime la souplesse..

et une chose qui me tient a coeur, les rosiers doivent avoir une jolie fanaison; c'est à dire des pétales qui tombent sans pourrir.. or là il y en a deux pour lesquels, il faut passer et couper avant que le spectacle ne devienne horriblement déprimant de pourriture.

Je selectionne aussi des rosiers très résistants aux maladies.. et l'un d'entre eux est déjà réputé pour être souvent si pas toujours malade..

bref... je les ai finalement placés, en leur trouvant une place à chacun qui me permette de gérer au mieux les moins, et de valoriser les plus..

Noyer la raideur dans des vivaces
Planter près de la terrasse pour couper les fleurs avant qu'elles ne fanent.

Le "souvent-malade" est placé tout au bout du parc.. là ou les chevreuils risquent d'attaquer en septembre...

mais en réalité.. je fini par leur trouver à chacun un certain charme

Ladywaterloo a dit…

@Françoise,je vois que vous savez "y faire". un peu dur pour les chevreuils quand même! A la maison, mon mari a planté un rosier rouge (exclus du jardin)à chaque piquet de clôture qui sépare le petit verger du pré, les vaches dévorent tout ce qu'elles peuvent et ils repoussent.

J'adore couper les roses fanées, enfin pas lorsque cela se transforme en marathon propreté...

@Lydia, Merci! Je décline votre offre sympathique, mais en apprécie mille fois la générosité du coeur, le meilleur!

Colette a dit…

En rangeant un placard..en vue d'énormes travaux en perspective, j'ai retrouvé un de ces cadeaux qui m'exaspéraient tant...sans doute parce que tout m'exaspérait chez ma mère...et ce fut, brutalement une émotion inattendue si forte...un regret si poignant.
Colette

Ladywaterloo a dit…

J'espère que cela me sera épargné, j'aime ou je jette, mais cela n'éloigne pas les souvenirs, n'est ce pas?