mercredi 26 janvier 2011

Clocher de ma vallée.



Notre société est anxiogène, le monde est anxiogène. Et pour une fois, j'avouerai un avantage fabuleux des époques passées sur la notre, les pires horreurs pouvaient avoir lieu, au loin, cela n'arrivait aux consciences attentives qu'à une frange minime de la population française. 
Lorsque j'ai acheté la maison, qui est devenue notre maison de famille, il y restait du mobilier, des bibelots, des souvenirs d’une famille qui n'est pas la notre, certaines choses dataient même  de la famille précédente, famille qui avait fait construire cette maison et l'avait gardé en main plus de 100ans. Entre les factures de notre cèdre plus que centenaire et les rideaux ravissants mais complètement passés, gardés "au cas où" il y avait des piles d'anciens journaux, "L'illustration" de 1914 à 1942 , il est passionnant de se plonger dans ce passé,  vécu au jour le jour, on y regarde l'histoire différemment.

Nous ne pouvons plus vivre ainsi et pourtant nous avons tous plus ou moins envie de faire comme si le reste du monde n'existait pas, des soubresauts en Tunisie, Algérie, Egypte à la Corée qui meurt de faim, notre vie est abîmée par ces évènements sur lesquels nous n'avons aucune prise. Chaque rencontre avec des SDF nous agresse  et nous fulminons contre cette société si riche et si démunie. Les tentations sont alors d'abord de renvoyer la culpabilité sur les "autres", maires, états, flics, tous ceux qui pourraient, pense t-on, faire quelque chose. 

J'ai franchi le cap en achetant ma maison, je la voulais dans un endroit protégé, mon côté vie idéale, comme" Martine".  Du simple cocooning je passais au borrowning. J'ai dessiné ma maison, la peignant de traits idéalisés, bouquets en été et flambées l'hiver; j'ai essayé de ne rien oublier: la cloche de la terrasse sonne l'appel pour tous les repas et l'on entend au loin le clocher de mon église égrener heure et demi heure, parfois elle salue un baptême ou se joint à la liesse d'un mariage d'autre fois elle accompagne un dernier voyage.




                                       Juste, un petit coin, tranquille (ici en Mayenne)

Ce cadre rassurant met juste un peu de distance entre le monde et moi, je sais malgré tout qu'il me faudra toujours m' adapter à ce monde qui change. Je m'attends à ces changements par forcément sympathiques: énergie plus chère,  niveau de vie qui baissera, disparition de mon facteur de campagne passant de porte à porte au profit d'une boîte à lettre au bout de la route où sera déposé courrier et colis deux ou trois fois par semaine, notre ancien hôpital est déjà "rétrogradé" hôpital de proximité, la maternité étant fermée depuis quelques années.  Bizarrement la petite sous préfecture est cependant en pointe dans bien des domaines et sa population augmente, le bassin de l'emploi de cette vallée étant  cité parfois en exemple.

Nous avions acheté une première ferme dans la montagne, il y aura vingt ans l'été prochain,  la ville semblait s'être figée à la fin des années cinquante,  blouses colorées et  bérets au marché, rendez vous de toute la vallée, chaque jeudi. Marché où l'étal bassines en plastique pour la cuisine et fleurs en plastique pour le cimetière jouxtait celui des poussins et lapins à vendre au début du printemps.  Nous avons été nombreux citadins à être séduits par l'authenticité de cette vallée, nous en avons fait la richesse et aussi accéléré sa mutation, mutation que l'on regrette parfois à l'ouverture d’une nouvelle boutique de décoration ou d'un magasin Saint James, mais que l'on approuve secrètement lors des travaux d'embellissement, il n'y a plus de voitures garées sur la place du marché mais des arbres ombrageant bancs et fontaine, plusieurs petits restaurants se sont ouverts, chinois, crêperies et pizzerias. 

Le difficile équilibre entre évolution inévitable et évolution à éviter est parfois impossible, nos impôts ont augmenté d’une manière déraisonnable, poussant à la vente des héritiers désargentés. Loin des rumeurs des grandes villes qui apparaissent de plus en plus comme des repoussoirs pour tous, même les jeunes ruraux.

Moi, habiter à Clermont, je ne pourrais pas, dit ma petite voisine, il y a trop de monde, je me sens pas bien, et du côté de la gare, ça craint!


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Idem ici, que de changements depuis 10 ans que nous sommes installés, les lotissements poussent comme des champignons et remplaçent vaches et champs de cerisiers, l'effectif de l'école a explosé, même l'ami Ronald est venu s'installer ainsi qu'une zone commerciale, mais malgré tout la maison d'arrêt doit fermer d'ici 2 ans, et la maternité est en sursis pour combien de temps encore ? le clocher du village sonne toujours, l'église vient même d'être rénovée et dotée d'un éclairage high tech en leds (de couleurs flashy :0000)
Sylvie L

maya a dit…

On veut la verdure et les commodités, les commerces à proximité mais la tranquilité de son jardin, l'école pas trop loin -à pied si possible- mais pas le bruit de la rue... exercice difficile dont les paramètres heureusement fluctuent en fonction de chacun. Nous vivons, ma famille et moi, dans une ancienne ferme à moins de 40 mn de la place de l'Etoile en RER. Une grande chance que je mesure à chaque fois que je fais le trajet (heureusement pas tous les jours) serrée comme dans une boite de sardines et qu'enfin s'ouvrent les portes et que je retrouve mon cerisier et les reflets de l'eau des étangs voisins.