dimanche 14 août 2011

Vivre derrière un appareil photo?



Rentrée de ma dernière virée, je viens de me rendre compte qu'une fois de plus j'ai laissé mon appareil photo dans mon sac,  sac soigneusement rangé dans un placard de mon fourgon...

Enfant, je détestais les photos, il nous fallait sourire même si on en avait pas envie, je les ressentais comme contrainte que nous imposait nos parents.

Pour me faire plaisir! disait maman

Allons penelope, cela ne te coûte rien! Cela ne me coûtait rien mais me pesait beaucoup, plus je vieillis plus je déteste que l'on me prenne en photo, je me sens paralysée devant cet objectif, inquisiteur qui vole mon âme et fige ma liberté.

Je préfère les images de ma tête que celles du papier, et souvent lorsque nous nous baladons, je suis surprise de voir que tout est numérisé, les parents ne se promène plus sans mitrailler leurs enfants, la plupart des  visiteurs ne regardent rien ni paysage, ni château, ni magnifiques œuvres d'art sans objectifs interposés.

Même les plus connus de ces monuments sont pris des tonnes de fois par des amateurs qui feront  généralement moins bien que les photos  existantes, mais très souvent avec "leurs familles" devant, trophées de vacances, "Veni, vidi, vici"

Il me semble que la peur du temps qui passe, le souhait de ne pas mourir sans laisser derrière soi des empreintes de notre vie guide souvent inconsciemment ces photographes compulsifs.

Les visites de châteaux, les cérémonies familiales, les vacances ne sont pas vécues en tant que telles mais pour les souvenirs photos qu'il en restera.  Lors des échanges de consentements des mariés, qui peut affirmer que les photographes amateurs écouteront de toutes leurs âmes et consciences alors qu'ils règlent leurs appareils, cherchent le meilleur angle... Une visite de château ou de musée se retrouvera rétrécie des explications des guides peu écoutés,  fini de la compréhension de l'histoire qui nous a laissé ces merveilles.

Vous pouvez prendre des photos, merci de ne pas oublier de désactiver les flashs sera la seule phrase entendue et retenue. Qui se souviendra du "saute ruisseau" peu remarquable en photo? Qui se souviendra que derrière la photo de la  baignoire en bois recouverte de linges et  sans l'odeur entêtante de marc de Bourgogne était l'histoire de cette vieille marquise de Mac Mahon conservée dans l'alcool par son régisseur afin d'éviter le pillage de son château? Qui pensera encore au tout petit jouant si longtemps pendant le baptême de son cousin à écraser les fourmis de la terrasse ne comprenant pas l'observation de son jeune oncle:

Côté humanisme, il a  des progrès à faire, j'ai tenté de lui expliquer Werber!


J'oublie souvent de prendre des photos, je n'arrive pas à vivre et photographier en même temps, en réfléchissant  je suis certaine que les relations au travers de nos photos sont travesties, un peu comme on se déguise pour  rendre visite en se présentant sous notre meilleur jour, l'authenticité doit y perdre un peu, les sentiments peuvent parfois rester enfouis, figés, refoulés sans pouvoir s'exprimer. Nous avons ainsi des vidéos et photos du mariage de Camille où je fais la gueule presque toujours.


Camille avait  eu la bonne idée de faire venir un cameraman, ami, chez moi, dès neuf heures du matin, le photographe le doublait dès le début du mariage naturellement, vers 15h30, séances de pauses interminables!

Lorsque je regardais la vidéo pour la première fois j'eus la surprise d’entendre sous la musique enchanteresse une voix de femme dire:

"Bonjour! faites votre travail je ne ferai rien pour vous ennuyer, mais je déteste les photos et les films, je vous préviens si vous me filmez, je vous marave la gueule!"


Le cameraman avait été prévenu par Camille il ne fut pas (trop) surpris et me laissa vivre en paix cette journée.

7 commentaires:

SylvieT a dit…

Bien-sûr cet avis, bien argumenté, comme toujours, est interressant. Je n'ai pas non-plus le réflexe-kodak. Mais, en accueillant des enfants en famille d'accueil, je me suis aperçue que chacun mettait beaucoup de valeur dans les (rares) photos qu'il possédait. A chaque enfant accueilli chez moi, j'ai offert un album photo lors du premier anniversaire de leur arrivée, avec des petits textes écrits en légende.Tous feuillètent très souvent leurs albums comme une trace concrète du temps qui passe.Pour certain il n'y a aucune trace de leur petite enfance, pas de bébé gouflu, de grimaces et d'adultes attendris...leur vie semble avoir commencée chez nous,ce n'est pas vrai mais leurs souvenirs sont souvent si flous du fait des traumatismes rencontrés que seuls les instants photographiés restent.Nos enfants aussi aiment que nous nous asseyons ensemble pour regarder les photos et se remémorer le contexte qui les accompagnait,surtout les propres photos de notre enfance. Bref, les photos, c'est important mais il ne faut pas en abuser...Comme tout en fait!!

Sophie a dit…

Texte très intéressant comme toujours, chère Lady.
J'ai moi même toujours aimé la photo, et ai aimé prendre en photo mes enfants (surtout jusqu'à l'adolescence, après , c'est moins facile !), j'ai pris du plaisir à réaliser de jolis albums en les agrémentant de jolis autres souvenirs ...
Mon fils ainé devenu photographe, est venu récemment à la maison, mes trois enfants étaient présents et nous avons pris un énorme plaisir à revisiter ces albums. J'ai eu le grand plaisir d'apprendre par la petite amie de mon fils qu'il avait trouvé mes photos très belles et bien cadrées !
Maintenant, à l'ère du numérique, cela devient tout autre chose, on mitraille sans relâche, on se retrouve avec des centaine de photos sur son ordi ...
Des enfants sur certains blogs (Marion pour ne pas la nommer !) sont photographiés tous les jours et exposés complaisamment à des anonymes : quel changement dans les mentalités en l'espace de quelques années !
Je suis certaine que cette exhibition n'apportera rien de bon à ces enfants, et que le narcissisme de leur mère ne fera que grandir : ah le désir d'être éditée qui revient de façon récurrente chez elle ! ... J'en parlais avec une amie psy qui était sidérée d'apprendre une telle exposition !
Je suis par ailleurs attristée de la violence du commentaire laissé chez Marion en réponse au tien, je n'ai d'ailleurs pas pu m'empêcher d'y réagir !
Pour finir, écouter la chanson de Bénabar "les cartes postales" (je crois) sur cette incorrigible manie que nous avons pour la plupart de vouloir immortaliser par nous mêmes les monuments bien plus beaux sur cartes postales !

Anonyme a dit…

Je suis attérée par le fameux blog de "toujours dimanche".

Cela me parait bien triste pour les petits de voir leur quotidien volé et distribué à des centaines de lecteurs. Elle ne fera jamais un livre de cela.

Oui aux albums de famille , oui aux albums de notre enfance que l'on partage avec ceux que l'on choisit. Non aux atermoiements d'une femme dont un certain jardin devrait rester secret pour ses enfants en construction.Des limites . J'espère que les enfants ne lisent pas ledit blog. Sinon , je trouve que c'est grave, terrible.

Les enfants font tout pour faire plaisir aux parents, tout , ne diront jamais non à une mère qui vit son "trip" manifestement.

J'en connais un rayon.

CE blog me rappelle le film truman show en plus GRIS.

Bref je ne commente jamais sur ce blog .

Je partage votre opinion, très largement.

Babette a dit…

Voilà ce que j'écrivais en janvier dernier à propos du blog "tous les jours dimanche" et du malaise que j'éprouvais alors certains jours, malaise dont je tentais de trouver la source:
"Il me semble avoir trouvé une piste chez Christophe André, pages 41 et 42 de ses "Petites histoires d'estime de soi":
"... le moins qu'on puisse dire, c'est que notre époque ne respecte plus guère ces commandements de prudence avec la contemplation de soi. Miroirs, photos, vidéos, Facebook et autres sites de promotion de l'image de soi pullulent joyeusement. Et aliment une part bien fragile de notre estime de soi: celle qui est liée à notre apparence physique... Finalement, les sociétés qui nous ont précédés disposaient de mécanismes régulateurs des excès d'estime de soi qui ne marchaient pas si mal."
Plus loin, il cite une blague: " C'est Donald Trump qui parle de lui, de lui, de lui, encore de lui.... Au bout d'une heure, voyant que son interlocuteur commence un peu à fatiguer, il lui propose majestueusement: "Bien! Assez parlé. Je vous donne la parole: qu'est-ce que vous pensez de moi?".
Ce qui m'interpelle de plus en plus aujourd'hui, c'est la place grandissante des photos au détriment d'un texte qui se revendique "littéraire" mais dont la qualité est assez faible certains jours, et dont le contenu est parfois sans intérêt. Et lorsque certains brandissent le mot "autofiction" pour défendre la qualité littéraire de ce blog, je me demande si réflexion, recul et analyse ne sont pas de vains mots.

Anne a dit…

Chacun sa vie, chacun son chemin... oui pour photographier il faut être un peu extérieur, mais parfois un moment est si bon qu'on a envie de le capturer pour pouvoir y revenir plus tard, parcequ'il y avait une magie de l'instant...
Beaucoup de gens ne photographient pas des choses mais des émotions, des instants et ils le font très bien.
Je lis le blog de Marion avec plaisir, je ne la juge pas, je prends le bon qui vient avec sa façon de décrire son petit monde et je laisse la critique de côté. J'ai du mal à comprendre ceux qui lisent et qui critiquent si violemment... si vous n'êtes pas en accord alors passez votre chemin. Vos craintes sont légitimes certainement, mais sa vie est à elle et la vôtre à vous. Je pense comme dans un des commentaires que si ces photos ont leur place dans un blog où la lecture quotidienne d'une certaine vision de la vie apporte quelque chose, je ne vois pas pourquoi j'achèterais l'album de famille de quelqu'un d'autre pour mettre sur ma table de salon, mais d'autres le feront au vu des commentaires, ils doivent y trouver autre chose...
J'ai fait un blog privé, je l'ai imprimé et je chéris la possession de ce concentré de souvenir que nous pouvons revisiter ensemble en famille et y puiser une belle énergie... Je comprends l'envie de mettre ses souvenirs sur papier même si je ne comprends pas celle de donner son album de famille.

Bref j'aime lire votre opinion mais je n'aime pas la critique d'une autre déguisée à travers ce post... un petit peu comme lors de votre article après la mort de la petite (je me rappelle plus son nom, je ne suis pas l'actualité), vous critiquiez les gens qui n'éduquent pas leurs enfants, ça m'avait fait rire car dans ce post là vous mettiez que les parents ne disaient pas "non au chocolat" et qq jours avant vous expliquiez le bien fondé de laisser ses enfants manger le beurre à la petite cuiller !
J'aime vous lire, votre expérience votre vision de la famille, vous inspirez le respect, pas besoin de critiquer les autres pour justifier le bien fondé de vos façons de faire à vous...

Ladywaterloo a dit…

@ Tous, bizarrement je ne pensais pas spécialement au blog de "tous les jours dimanche" lorsque j'ai écrit ce billet. J'ai réellement voulu écrire sur la façon de photographier tout et non traité le problème de la publication et diffusion des photos familailes et encore moins de la commercialisation de celles ci.



Faire des photos pour soi et le cercle familial et amical est une démarche infiniment plus courante que de faire des photos publiées tous les jours de ses enfants.


L'idée de ce billet me trottait dans la tête depuis longtemps, à chaque cérémonie familiale (baptêmes, anniversaire, mariage..) à chaque visite de château ou musées, je suis stupéfaite de voir que de plus en plus de gens se soucient plus de ce qu'ils vont pouvoir photographier que de ce qu'ils vont découvrir.

Il y a dix ans, nous nous moquions des hordes de japonais et chinois qui ne bougent pas le petit doigt sans prendre de photos, nous en sommes là!


La problématique des blogs (photos, confessions intimes et autre) pourrait être l'objet d'autre billet, mais dans ce cas là, il ne s'agira pas de m'appuyer sur un seul blog, cela serait réducteur. je le ferai peut être un jour, ou pas.

J'y avais pensé en voyant un épisode de Dr House traitant de ce sujet, à son habitude, l'air de pas y toucher, tout en disant les choses.

Clo a dit…

Oh que oui ! les évènements familiaux, les voyages et les visites sont absolument parasités par les "photographes"... ça en devient presque choquant...
Il y a tellement plus à capter à l'oeil nu et coeur "ouvert"...