vendredi 9 décembre 2011

Fantasme de pêche Melba

On a les fantasmes que l'on peut, et surtout dans tant et tant de domaines, de l'avouable à l'inavouable.  Aujourd'hui je vais avouer le strictement inavouable  que mes proches connaissent sans jamais savoir ce que cette plaisanterie recouvre exactement. Depuis toujours je réclame et insiste pour que l'on me serve en dessert une pêche Melba, une vraie. De restaurants en auberges, famille et amis assistent à ce qu'ils considèrent être une simple fantaisie, voire de la pure provocation,  que nenni. Je sais depuis toujours à quoi exactement se doit ressembler une pêche Melba. Une équilibre précaire de saveurs et parfums qui ne dure qu'un instant. Magique, feu d'artifice des sens, impression de soleil naissant.

                                     Lady reading, Monet.


De cette mémoire des sens, qui sublime croyant avoir oublié, hérédité ou rêve éveillé, voilà l'objet de mon désir.

Prenez des pêches fraîches, et après les avoir ébouillantées afin de les peler,  pocher les oreillons dans un sirop  préparé avec un peu d'eau, du citron, sucre et cannelle, un peu de poivre voire un clou de girofle, le sirop sera  un peu épais, sans excès. Cinq minutes suffisent, les pêches frémissantes,  moins de dix minutes dans tous les cas surement,
réserver les fruits,  réduire ensuite  le sirop  en y donnant une touche de couleur, mûres, framboises ou même sirop de grenadine, si vous le souhaitez.

Dressez enfin vos coupes,  glace à la vanille tendre et moelleuse, mousseuse si vous le pouvez, pêches découpées en morceaux pas trop gros, napper de sirop tiède et saupoudrer d'un concassé grossier d'amandes fraîches.

Bonheur assuré, souvenirs d'outre temps, d'outre tombe, j'ai depuis toujours le goût exact de ce dessert sans jamais  n'en avoir dégusté.

Cette recette ne peut être faite que lors de ces jours magiques où  pêches et amandes abondent dans les vergers, en septembre j'ai profité des dernières pêches sanguines et mutilant mes souvenirs, ai servi ce dessert sans amandes, trop sèches de toute façon en cette fin d'été. J'avais naïvement rajouté de la chantilly afin de magnifier ce dessert, écharpe de mousseline, artifice probablement en trop, la prochaine fois la chantilly maison sera servie dans une jatte, à part, ainsi que les sablés. Le trop est parfois l'ennemi du sublime.

Ce fantasme perdurera encore en ces mois d'hiver, l'année prochaine en juillet, je  préparerai des pêches Melba des vraies! Alors si un jour vous prenez un bloc de glace vanille rajoutez dessus des pêches au sirop industrielles les noyant dans  de la confiture aux fruit rouges de je ne sais quoi puis bombez un vieux coup l'ensemble de chantilly-toc, sachez le, c'est un crime, bénin contre l'humanité, grave contre la véritable gourmandise et le souvenir des choses et des gens qui les ont inventées.

Et hier soir alors qu'avec mon mari nous dînions d'une recette juste réinventée, je lui parlais de mon arrière grand  mère, cuisinière dans une grande maison, qui mourut d'un accident de voiture avec son mari, chauffeur de maître, juste avant la grand guerre de 14, ma grand mère, alors  âgée de treize ans, aînée  de trois enfants, travailla plus tard quelques années comme cuisinière, je n'ai jamais su si c'était pour la même famille, mais je me demande si parfois malgré mes mauvaises dispositions de femme d'intérieur, car trop rebelle, mes gênes  ne m'impriment pas ces savoirs magiques qui font, au delà des morts et des guerres, d'un dessert d'été, un souvenir éternel.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Quel beau texte vous nous livrez ce soir, un pur régal...comme la vraie, l'authentique Pêche Melba!
En tout cas merci pour cette superbe recette qui n'a de commun ,avec les desserts servis, que le nom.
Bonne soirée.
Jacq.

Martine a dit…

Moi, c'est le banana split. Je n'en ai jamais mangé de meilleur qu'à Paris au pub Saint Germain en 1970. Il y a peu, je suis repassée dans ce quartier mais le pub n'existe plus je crois. Alors, partout où je vais je cherche des bananas splits mais ils ont l'air si fadasses!

Clo a dit…

Oh la Pêche Melba !
A votre manière, effectivement, on comprend mieux comment ce dessert a pu devenir si populaire
promis cette été je teste en pensant à vous (je caraméliserai le concassé d'amandes... j'en salive d'avance)
Pour moi aussi c'est un souvenir-référence : mon premier souvenir de restaurant, Nappe blanche, Grandes personnes, cadre un peu impressionnant, je devais avoir 7 ou 8 ans et je me souviens de ce dessert... cette pêche melba, servie sous une cage-dôme en fils de caramel... Mais c'était la cage surtout qui m'avait impressionnée ;-D

Anne** a dit…

Le délice de ce dessert ne se conçoit qu'ainsi décrit, avec si belle et délicate gourmandise.
Comment Lady, pouvez-vous soupçonner vos fidèles lecteurs d'utiliser leur cuisine pour y préparer la pêche au sirop, sortie amollie d'une boîte, délestée de sa saveur, noyée sous divers artifices ?
Les recettes de cuisine font partie d'un patrimoine transmis auquel je suis personnellement très attachée. L'écriture d'une mère, grand-mère, grand-tante, amie chère, sur une feuille de papier tachée d'avoir trop fréquenté la table de la cuisine et les éclaboussures, me semble extrêmement émouvante. Recettes liées à des évènements précis, qu'on refera dans les mêmes circonstances, avec un rituel quasi religieux. S'appliquer pour obtenir l'excellence, comme vous la décrivez avec des mots précis et gourmands.
Tout un voyage des sens, dont on revient, ravi.

Ladywaterloo a dit…

@ Martine, le banana split évoque pour moi, les US, un saladier en guise de dessert, je n'ai jamais pu terminer.

Mais parti sur cette trame on peut inventer des recettes exquises avec des tranches ananas pochées dans du sirop qui sera ensuite corsé avec du rhum, rajouter du raisin sec...

En tout cas la cage de caramel est vraiment quelque chose qui me donne aussi envie d'essayer.

Fantasmes de desserts, j'essaie d'influencer mes enfants et mon homme afin de les convaincre de m'offrir une turbine à glace, Magimix, mais sincèrement, même moi je ne sais pas si c'est vraiment raisonnable, l'utiliserai-je assez souvent pour qu'elle justifie cet investissement et l'encombrement qu'elle prendra dans la cuisine?