mercredi 23 février 2011

Tam tam.

Les idées et souvenirs surgissent parfois par un enchaînement étrange, sans logique apparente bien souvent. Ce matin,  en écoutant les nouvelles je faisais un bilan dans ma tête, l'électricité qui va augmenter de plus de 30%, le gaz qui a déjà augmenté de 20% et le pétrole dont le cours grimpe à toute allure font de l’énergie un luxe qui pèse de plus en plus sur nos budgets, notre mode de consommation doit  changer. C'est bon pour la planète. Mes pensées se tournent alors vers ma maison, mes souhaits de poêles exaucés il  reste à assouvir mon rêve de  cuisinière à bois, Lhom est réticent encore.

Je revois mon jeune frère et sa femme qui disent depuis 20ans, à l'unisson de bien de mes proches:

Penelope? Elle prépare la troisième guerre mondiale, dans sa campagne entre sa cheminée et ses arbres fruitiers.


Ce n'est pas tout à fait vrai, mais pas tout faux. J'ai en moi, ancré au plus profond  que notre monde est fragile et qu'il suffirait  de pas grand chose pour que nous soyons obligés de changer radicalement notre  façon de vivre, un sentiment diffus aussi que ceux qui sont plus ou moins nos voisins pourraient devenir des gens hostiles. Et j'entends les tam tams.





J'ai passé ma petite enfance dans des pays où j'avais peur. Mes parents, parfaitement inconscients, nous faisaient vivre près de dangers immenses,  je me souviens de mes terreurs, seule dans ma chambre, où mon père avait  quand même fait  mettre des barreaux, à scruter les bruits nuit après nuit. Nous habitions la dernière maison sur le plateau. Mon père le disait haut et fort, nous étions tranquille, pas de civilisation à proximité. Au fond du jardin derrière le potager, la jungle et après notre maison, la route devenait piste et desservait des villages camerounais.

La vie qu'on nous faisait mener m'avait rendue solitaire, petit rat de bibliothèque, seule occidentale dans ma classe, je n'avais personne pour partager mon monde, je passais des heures dans le jardin. La maison était entourée de canards, j'avais mal compris le nom des canas et les nommais ainsi superbes et multicolores,  et je jouais souvent sous le porche de la porte côté route, personne n'utilisait cette entrée et j'y étais plus tranquille.

Je me souviens d'un après midi, réfugiée seule à l'ombre je lisais lorsqu' un bruit  comme un grondement sourd montait  peu à peu de la route, intriguée je tendais l'oreille, rapidement je distinguais le bruit des tams tams et celui des   frappement de pieds, quelques cris et mélopées me parvenaient par intermitance, je courus au portail pour voir ce qui se passait. Au loin, sur la route, dans un nuage de poussière, une troupe d'hommes venaient vers la maison, je suis restée un instant médusée à les observer,  masqués ils portaient des  pagnes traditionnels, les premiers jouaient du tams tam mais je distinguais des sagaies portées par les hommes à l'arrière.

 Terrifiée, je ne sais pas si j'ai crié, mais j'ai du surmonter mon angoisse afin de sortir de ma paralysie, alors j'ai pu courir chercher refuge à la maison, d'abord vers la porte la plus proche, à son accoutumée bouclée, la tambourinant un peu, j'abandonnais très vite l'idée d'y trouver mon salut et trouvais encore le courage de m'éloigner d'une porte, salut possible, pour faire le tour de la maison et passant par la véranda entrer dans la maison en criant pour prévenir ma mère. Maman était à sa machine à coudre, peut être écoutait elle de la musique, je ne me souviens pas, mes frères faisaient la sieste, ma soeur retirée dans sa chambre.  Maman a bouclé rapidement la porte, seule ouverture de la maison et ensemble nous avons attendu.

Le bruit et les chants ont envahis la maison, montant doucement en puissance nous étions terrifiés, silencieux. Puis, peu à peu le danger s'est éloigné pour disparaître tout à fait.

J'appris par la suite que cette tribu était en fête et qu'ils ne faisaient qu'exécuter un rituel inoffensif. Cela n'ôta pas la crainte perpétuelle que j'avais d'eux, mes parents ayant voulus nous faire visiter le village pensant peut être calmer ces peurs qu'ils estimaient exagérées, ne firent qu'augmenter mon inquiétude, mes parents étaient fous, ces sauvages ne m'inspiraient que terreur.

De ce jour là j'ai gardé  une crainte proche de la panique au moindre roulement de tambour. Il fallut que plus de vingt ans plus tard, dans une rue , voulant fuir en courant  un tambour menaçant, j'eus un flash de cet instant de mon enfance afin d'arriver  plus ou moins à  maîtriser l'angoisse qui m'étreint  lorsque j'entends même  au loin un tam tam au rythme lent d'une marche.

Et je garderai toujours ancré au plus profond de moi, que la vie peut basculer d'un instant à l'autre, que notre mode de vie est artificiel, mon frère étant bébé n'a pas gardé de souvenir de cette époque, ma soeur aînée, fait des provisions parfois encore plus névrotiques que les miennes, pâtes et bougies... Ne guérit on jamais des peurs de son enfance?

Les conséquences de ces chocs sont parfois inattendues, il y a des années découvrant le film Jumanji, je me pris d'une passion soudaine, complète autant qu'irraisonnée avant de comprendre, qu'il met en scène ce traumatisme. Aujourd'hui encore, j'ai besoin de le voir de temps en temps, on ne choisit pas ses madeleines.


2 commentaires:

zenondelle a dit…

Réminiscences fortes et troublantes. Et moi qui rage d'avoir eu une enfance pauvre en voyages et traversées de toutes sortes ... Un point commun : je me suis aussi réfugiée dans les livres.
Merci pour ton billet, je ne suis pas sûre que le mérite soit pour quelque chose dans ma chance, il y a tant d'arbitraire dans le milieu de l'éducation ...

Ladywaterloo a dit…

Les enfances stables sont plus faciles à vivre, je crois, plus structurantes pour les enfants. Les voyages et déménagements provoquent des ruptures, des fuites et adolescente je devenais cynique dans l’interchangeabilité des amis, profs, de tout mon entourage.
L'insécurité affective qui en résultait, chez moi, fut déstructurante. Je rêvais d'une maison avec un jardin que jamais je ne quitterai.