Il nous faudra partir.

Une semaine d'hiver, une semaine de grippe qui se termine et qui m'a plongé dans ce que sera mon futur, lorsque je serai vraiment vieille, et une évidence s'impose, ma maison n'est pas faite pour les petits vieux.

Mon mari a eu une grippe encore plus sévère que la mienne, et s'il va franchement mieux aujourd'hui, il est resté plusieurs jours sans pouvoir ne serait ce que descendre notre escalier, ce matin je fus surprise et un peu désolée de l'entendre me dire

La maison était hostile.

Ma maison, notre maison adorée hostile? Certes non, mais la neige et le verglas, un isolement relatif nous a fait toucher du doigt ce qu'est la véritable faiblesse de la vieillesse. Valide, si j'osais m'aventurer sur la terrasse, nourrir les oiseaux malmenés par bise et neige, je n'aurais osé emporter un sac poubelle au conteneur  un peu plus loin, ni descendre dans la cour, ni même aller voir mes poissons gelés dans leur bassin, j'étais obnibilée par l'idée que je ne devais pas tomber, je ne devais pas me faire mal alors que mon mari avait besoin de moi.

La grippe me faisait toujours sourire, il parait qu'on a une "vraie grippe" environ tous les 20 ans,  nous sommes donc à l'abri quelques temps, je me souviens sans savoir exactement la dater de la dernière, il y a bien moins de 20 ans, je suppose qu'Alice était adolescente et s'occupait des garçons, mon mari était absent, j'étais si mal que je me tenais aux murs pour aller aux toilettes, mais il y avait une salle d'eau à côté et la cuisine n'était pas si loin.

Il y a trois jours, j'ai compté le nombre de pas nécessaire entre ma chambre et la cuisine, j'en ai compté 50. Le circuit chambre-salle de bains-cuisine est sûrement encore bien plus long. Nous devons changer de maison.

Il serait stupide de compter sur le changement climatique pour que nos hivers deviennent moins glaciaux,  la réalité est que chaque année, les mois d'hiver sont longs et que neige et verglas rendent la vie quotidienne  bien difficile, les auvergnats d'ailleurs ne craignent pas trop un réchauffement climatique, le climat leur laisse un peu de marge.

N'étant de nulle part, la tentation devient de plus en plus grande de faire un dernier saut avant d'acheter une concession dans un cimetière. Hier, en allant faire un super marché, conduite, par mon fils Camille,  je vivais le chemin comme si nous quitttions à jamais ce hameau, pour la première fois, mes sentiments d'attachement à cet endroit ont été teintés de nostalgie, peut-être une façon pour moi de commencer à faire mon deuil de cette page de ma vie, de cette page de la vie de notre famille.

Il nous faudra rebondir, savoir vendre, savoir acheter, savoir déménager. Je sais qu'il nous faut un peu attendre encore, un an ou deux afin que nos derniers enfants soient sur  le chemin de leurs études, mais ensuite, nous n'aurons guère de temps à perdre, la vie passe très vite et chaque changement doit être accepté sans crainte ni regret, une nouvelle page s'ouvrira alors.

                    Photo d'un été