jeudi 18 novembre 2010

A mes frères, suicidés.

Hier un flash de la radio m'a saisi d'épouvante, un jeune de 18 ans, s'est immolé par le feu, je n'ai pu m'empêcher d'essayer de collecter toutes les infos, le sachant entre la vie et la mort, mon coeur pleure. Sur lui, sur sa famille, sur tous ceux qui ont vécu ou qui vivront la même épreuve. Sur moi.

J'ai hésité avant de parler de cela, c'est une sorte de strip tease de l'âme, pire  de la plus effroyable des cicatrices de mon âme que  je m'oblige à dévoiler. Deux de mes frères se sont suicidés à dix ans d'intervalle,  sans jamais en parler avant, ils sont morts tout deux dès leur première tentative.

Ne vous étonnez pas qu'il y en ait eu deux. Le terreau était le même et le suicide chez les jeunes est souvent épidémique. Si un jeune se suicide dans son entourage familial et amical la voie est ouverte, on envisage alors le suicide comme une voie possible, une solution. Les familles en font un tabou, alors qu'il faudrait évacuer par la parole, la prévenance et la tendresse cette envie latente de mourir qui existe chez tant de jeunes. Ces  tentations paraissent souvent fugaces mais restent dangereuses, car le passage à l'acte ne demande qu'une poignée de secondes.

J'ai vu plein de clips à la con en prévention du suicide hier. Genre votre enfant est seul renfermé attention! Soyez gentil avec lui.  Les jeunes solitaires peuvent ou non être en danger,cela dépend de leur réel tempérament.  Mon frère ainé avait plein de copains, il allait avoir 18 ans était en Tc.Il était extrêmement intelligent, sensible et idéaliste, il avait le malheur de voir le monde dans toute sa noirceur, et de ne pouvoir imaginer aucun espoir.Nos parents, aimant, unis, intelligents et exigeants ne savaient  pas garder de véritables liens avec leurs enfants devenus adolescents:  eux ils ne  comprenaient pas, eux, dans leurs temps, la vie était plus dure, il fallait davantage travailler et ils rigolaient moins. C'est vrai, ils s'enfermèrent dans leur maladresse et nous n'avions plus d'adulte aimant et nous recevant tels que nous étions en face de nous, nous étions très fragiles.

Je pleure chaque fois que je vois la vidéo, qui suit, elle explique très bien la mort de mon frère ainé. Et le désastre qui s'en suivit, entrainant aussi la mort de mon frère cadet.




Les parents ne sont pas responsables de la mort de leurs enfants, ni les amis, ni  les frères et soeurs, ni même leurs éducateurs.  Ils porteront tous le poids écrasant de la culpabilité, certains arriveront à continuer à vivre, d'autres pas.


Je fus  très légèrement cyclothymique, certains psy diraient bi-polaire, mais sans jamais sombrer dans une dépression sévère ni de manie remarquable, nous sommes nombreux ainsi,  les adolescents vivent ces phases de manière plus intenses. Je ne pense pas qu'il faille forcément médicaliser. La seule prévention réelle est à mon sens, une attention extrême des adultes vis à vis des jeunes, qu'ils sachent qu'on les aime de manière inconditionnelle, qu'ils ont le droit, d'être bêtes, de rater leurs bacs, de trainer avec des copains nuls et de se pointer à une réunion de famille avec les cheveux gras et un jean troué. Qu'ils soient persuadés que nous les aimons tels qu'ils sont et non tels que nous voulons. On ne peut pas façonner ou formater des jeunes sans faire des dégâts considérables.

 Nos exigences d'éducation ne peuvent se passer de dialogue, de partir avec le jeune de là où il en est, de l'accompagner.  Les parents vivent souvent les échecs (scolaires, généralement)de leurs enfants comme des atteintes à leur propre dignité. Ils souhaitent naturellement le meilleur pour eux, mais en plaçant la barre haut oublient  de vérifier que cette barre soit accessible aux jeunes et qu'ils aient  eux aussi envie de la franchir. Nos enfants doivent être absolument certains que nous serons là, aimants et bienveillants quoi qu'il arrive, leurs "échecs"  et tout ce qu'ils considèrent comme tel: études, boulot, amitiés, amours, sport... Leurs échecs ne les définissent pas, on se relève toujours d'échec,on peut bâtir même et en sortir grandi.


Si aujourd'hui, j'ai décidé de parler de cela, c'est d'une part que la plus part des suicides ont lieu en hiver (nov-dec-janvier-février) et d'autre part que si ce message permet d'éviter un seul drame, il aura été plus qu' utile. Je ne le saurai pas et vous non plus.

J'ai trouvé hier ce clip américain, pas mal fait car il explique comment une broutille peut être un élément déclencheur chez un jeune à l'égo fragile.

3 commentaires:

maya a dit…

Merci de nous livrer ce témoignage ô combien douloureux. Une de mes amies a perdu l'an dernier un de ses fils tout jeune adulte. Je l'aime beaucoup mais il me semble que la pression familiale sur les études, le futur métier, la comparaison peu élogieuse face aux frères et soeurs plus brillants doit être pour beaucoup dans sa détermination à en finir. Terrible. On ne s'en relève pas. J'ai déjà connu le suicide dans mon entourage familial puisque ma maman m'a lâchée quand j'étais ado et 30 ans après j'en souffre encore. Alors j'imagine quand il s'agit de son enfant. Acceptons les gens comme ils sont, surtout nos enfants. Ils doivent savoir que nous serons toujours là pour eux.

Anonyme a dit…

J'ai déjà lu plusieurs fois hier et ce matin ... c'est tellement dur que je ne sais pas quoi dire ...
Sylvie L

Ladywaterloo a dit…

@Maya, je sais que lorsqu'on est au fond du désespoir, on peut ne plus avoir aucun courage, aucune force. Même l'amour immense que l'on porte pour ses enfants peut être oblitéré. Je crois qu'effectivement bien des choses se jouent enfant, puis ado, l'égo doit être solide pour traverser les épreuves,certains bébés naissent très solides, d'autres plus fragiles, et tous ont besoin de sa savoir aimé tels qu'ils sont. On ne doit pas tout accepter de nos jeunes , mais faire le tri de nos valeurs et de nos exigences, en n'hésitant pas à nous remettre en question.

J'ai parfois peur lorsque je trouve des parents trop loin de leurs enfants, qu'ils puissent tout faire, sans limites, soit au contraire qu'ils soient très bridés, embrigadés.

Sylvie si tu savais, le nombre de gens qui ont des cicatrices bien plus sombres encore que celles ci, des gens sans histoire cela existe, mais bien souvent les gens cachent leurs cicatrices, car elles leur font trop mal. On oublie jamais, on apprend à vivre avec. Et on y arrive. :)