C'était en des temps anciens dans une île lointaine, et en ces jours tout ce qui faisait la vie mondaine de cette préfecture du bout du monde bruissait de joie à l'idée de recevoir la visite prestigieuse de la Jeanne d'Arc, un bateau et tant de promesses de réceptions, plaisir de rencontrer des gens qui arrivaient de la métropole à une époque où l'éloignement était encore réel. Et l'histoire aussi d'une petite jeune fille, pas invitée car elle n'aurait eu seize ans que le lendemain.
Or il se trouvait que le fils d'une dame très influente adorait cette petite jeune fille, plus tard, hélas, ce jeune homme a pleuré lors du mariage de la demoiselle car si il fut apprécié comme copain jamais il ne fut aimé autrement par cette si petite jeune fille de quinze ans. Cette "grande dame" se tenait donc au courant des faits et gestes de cette si jeune fille et fut alarmée d'apprendre qu'elle ne la rencontrerait pas lors de cette réception si prestigieuse qui réunissait toute la jeunesse dorée de l'île.
Mais, elle n'aura seize ans que demain, madame, les ordres sont stricts, il faut avoir seize ans révolus pour figurer sur les listes.
Cette dame décida que pour 24 heures seulement, c'était injustice, et me fit parvenir un carton en dernière minute, je n'y croyais plus, la réception me paraissait enchanteresse, j'y allais avec plein de copines et avais la ferme intention de bien rigoler. Mes parents ne m'accompagnaient pas, mon père républicain snobait ce genre de mondanités. Il a dû probablement s'en vouloir après, il aurait évité le massacre, ma mère s'est fait raconter par mille sources différentes l'incident improbable.
A la préfecture de Fort de France ce 19 novembre, j'ai rencontré celui qui allait devenir mon mari.
Pour être juste je devrais raconter les copines, la façon dont je fuyais tous les midships, les orchestres, la villa coloniale, l'air tiède et les senteurs du jardin tropical, la vue sur la mer, le luxe, tout. Je me souviens de tout.
Y compris du coup de massue qui m'a étourdie à jamais quand j'ai entraperçu au loin ce si beau jeune homme, j''étais avec deux amies, lui aussi était accompagné, nous étions fort loin l'un de l'autre, une foule nous séparait, je ne voulais surtout pas avoir l'air de m’intéresser à lui, mais lui, mine de rien avec sa bande de potes est venu vers nous, normal, nous étions un groupe de jeunes filles très entourées et qui riaient beaucoup, je ne pensais même pas que la manœuvre fut due à autre chose qu'au simple hasard. Hasard heureux qui me comblait
Il y eut une poignée de minutes où nous étions en groupe, puis nous sommes restés seuls tous les deux.
Du reste, des conversations, de ce jeune homme qui m'a parlé dès ce soir là de "nos enfants", de tout, de cet immense océan de différences entre lui et moi, et de tout ce qui n'a rien empêché, il tomba amoureux d’une gamine comme je fus effondrée à l'idée d'aimer un homme que je ne reverrai plus jamais, j'en étais persuadée.
Un temps, et beaucoup d'autres temps plus tard nous nous sommes mariés, avons eu beaucoup d'enfants, fumes parfois très heureux pas toujours, mais en fait si. Et si je ne veux raconter un roman en quarante saisons, je termine là mon histoire. Qui croit encore au coup de foudre?
3 commentaires:
ils furent heureux et eurent
de gentils et beaux enfants...
de nombreux petits enfants
arrière petits enfants un jour,
et beaucoup d'idées pour Lady
qu'elle défend ardemment
vive l'amour !
Une belle histoire. peut-être un jour fêterez-vous vos 80 ans de mariage.
Le frère de ma mère s'est marié à 22 ans, sa femme en avait 18 et ils vécurent ensemble jusqu'à ses 101 ans. Près de 79 ans de mariage, c'est pas beau ça?
la plus part des couples stables (que je connais) se sont formés très jeunes (ce n'est pourtant pas mon cas)
Du coup je lorgne d'un air soupçonneux les ami(e)s de mes grands qu'il m'arrive de croiser (en fait non, heureusement !) ;-D
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