mardi 7 juin 2011

Entreprise Utopique (les squatteurs, 2)

Dimanche soir en arrivant à la maison, notre vraie maison chez nous, j'ai eu la joie de retrouver Alice, Théo et la petite Victoria ainsi que Valentin et Hubert, leur horde d'amis était repartie. Cette joie décupla lorsque je constatai que la panière à linge sale était vide, Alice me dit alors que tous les lits avaient étés refaits, le linge de maison, lavé, séché, plié et rangé. Comble du bonheur le ménage entièrement fait, même la petite maison que pourtant j'avais laissé, naturelle, avec toiles et araignées.

J'avais alors deux urgences, parcourir le jardin sécateur en main, couper roses fanées et inflorescences de rhodos déprimantes et faire une recherche internet sur le manoir délaissé. Je n'ai pu résister à un tour de jardin, l'ai jugé assez rapidement satisfaisant puis ai commencé à essayer de retracer l'histoire noire de ce manoir.

Au nom de la propriété j'ai rapidement retrouvé: EURL château de P. EURL, entreprise utopique aux responsabilités limitées? De lecture de comptes rendus de procès en appel en cassation, j'ai hélas, à peu près, retracé l'infortune de cette épave délaissée.


J'ai cherché et cherché comment une saisie amenait une maison en vente, cherché ici ou là et surtout partout si le manoir est en vente, n'ai rien trouvé. Lhom est tranquille, et moi, soulagée, que ferais je de toits pareils?

Oncle Antoine avait hérité de cette propriété de ses parents, il l'adorait plus que tout, sa femme partageait cet héritage, Tante Henriette est la soeur de ma belle mère, elle nous reçut, Lhom et moi, jeunes mariés, alors que nous roulions en petite Alfa rouge avec un tout petit  bébé, Charlotte, habituée  à vivre ici ou là, dès sa naissance, nous avions déménagé alors qu'elle avait dix jours et fumes nomades tout un été. J'avais été séduite autant  par l'ouverture d'esprit et la générosité de "ces gens là" que par leur maison si romanesque, inscrite d'ailleurs par Mérimée à l'inventaire général du patrimoine. Maison qu' ils n'avaient, hélas pas vraiment les moyens d'entretenir, malgré leur boulot, en ville et leurs sacrifices.





Oncle Antoine est mort, assez jeune, il venait juste de prendre sa retraite,  à la disparition de Tante Henriette  très peu de temps après l’aînée des filles avait à peine trente ans. Aucune ne put reprendre la propriété et le coeur déchiré elles l'ont vendu. Un couple de néerlandais l'a acheté des clopinettes, a fait faire des travaux luxueux, futiles, utopiques en employant une entreprise belge faisant  travailler des ouvriers bulgares et polonais. Je parcourus dès que je pus le compte rendu des jugements, puis ai bâti dans mon esprit ce qui est soit une escroquerie soit, juste une utopie.




Ces gens là, reçurent des subventions de l'UE (et oui, ils en donnent ,je l'ignorais, du conseil général de la Nièvre et peut être d'autres encore). J'ai cru retrouver même la propriété à vendre par une russe: Olga Khevlya.  Je ne sais ce qu'il va  advenir de cette maison perdue au milieu des bois, je sais que les parents auraient été anéantis de voir cette infortune.


Un squatteur y vit encore, à plein temps? Juste le temps des vacances? les paysans du coin, le savent, il y a des vaches dans la pâture devant la maison, je pense que ce squatteur là a une légitimité. j'ai imaginé que c'est un fils de l’aînée des cousines, ayant vécu là deux ou trois ans avant la vente, j'ai imaginé aussi que le fils d'un voisin, habitué n'a pu résisté à l'attrait de ce si bel étang. Ou alors le néerlandais, poursuivi par les dettes, y vit encore son rêve, se cachant de tous? Surtout de ses créanciers?










Telle Mrs Marpple, j'ai tout examiné, les portes dotées de digicodes, celles dont les toiles d'araignées attestaient leur non usage. J'ai examiné tant de choses. Lhom squatteur jardinerait, j'en ferais autant, lui pas. J'ai imaginé tante Henriette voyant tout cela, je sais qu'elle aurait compris un squatteur par amour, que ce soit un jeune pêcheur ou un pas-si-jeune à la recherche du temps perdu , le temps n'est perdu que si on ne sait s'en souvenir.

4 commentaires:

Pauline a dit…

J'aime les enquêtes familiales, mais je m'y perds avec les pseudos des oncles et tantes, j'avoue...Tante Henriette était-elle la soeur ainée de Granny ? Je t'embrasse.

Ladywaterloo a dit…

Henriette est effectivement le prénom que j'ai donné à la soeur aînée de Granny, difficile de parler sans trop dévoiler et si je fais parfois du tort en parlant de choses ou d'autres, j'essaie de l'éviter et pour cela emploie des pseudos, Lhom dit que cela ne devient "ridicule"!

Mais si blesser peut tuer, le ridicule, n'est ce pas...

Pauline a dit…

Merci pour les explications, j'avoue que Oncle Antoine marié avec Tante Henriette ça m'a perturbée... ;)

zenondelle a dit…

Un très beau texte déposé ailleurs ... sévère mais tellement juste.
Bien à toi
zénondelle