jeudi 20 août 2015

Ah, elle pleure encore, celle-là!

Oui, je pleurais encore, enfoncée dans le siège arrière de la DS,  je pleurais, nous allions au cimetière où allait être enterré, mon frère aîné et je pleurais.

Je gênais, enfin j'agaçais, ma tante et mon oncle, moitié inquiets,  moitié énervés, j'aurais dû  ne faire aucun bruit, je tentais d'étouffer mes sanglots, je 'y arrivais pas. J'aurais dû me taire, me soustraire, me retirer  sous terre être rien, enfin,  moins que rien.

Pour le monde entier, seule la douleur de ma mère importait ,et, en pleurant j'ajoutais à sa douleur, sale bête, mauvaise.

Il m'a fallu des années et des années pour admettre que, moi aussi, petite soeur, de ce frère mort à 18 ans, alors que j'en avais 14, avais le droit de souffrir, même en silence, et même en hurlant. Cette souffrance, muette,  tapie, mais si profonde,  énervait tout le monde, exaspérait, et tous l'étouffait, je devais pleurer en silence.

Je pleurais mais étouffais encore plus,

Et aujourd'hui encore, alors que j'aspire  toujours à revoir mon frère je ne puis ni parler de sa vie, ni même de sa mort, mon frère n'a pas existé, et nous ne pouvons rien en dire, en parler plus de 40 ans après sa mort, reste toujours tabou. Sa vie aussi, d'ailleurs, comme celle de mon frère cadet qui s'est suicidé, à 22 ans, ¨Patrick, il ne faut jamais prononcr les noms d'Yves et Patrick.

Chuttt, tu vas faire de la peine  à ta mère.

Mais ma mère a t-elle eu un seul instant où elle a bien voulu quitter sa seule petite personne pour daigner nous regarder, nous, ses enfants, survivants, dont Patrick dix ans encore après la mort dYves?

Non seulement j'en doute, mais je n'y crois pas.

On ne peut, toujours pas aborder quoi que ce soit, avec maman qui puisse la faire souffrir, elle a déjà tellement souffert, n'est ce pas?





Mais nous? Notre abominable souffrance, notre plaie ouverte à jamais, qui en tient compte? Personne, je le pense. En tout cas, pas elle.

Maman se sent seule victime, en aucun  cas, nullement responsable, ni même empathe avec ses enfants survivants, nous devrions lui éviter toute peine et toute souffrance à jamais, quoi que nous endurions nous même, et surtout, quoi que nos frères morts en aient eu à pâtir.

Aujourd'hui, jour de la naissance de Clarisse, j'ai tenté de lui dire les difficultés de certains de ses petits-enfants, mais aussitôt se dressa le mur de J'ai tellement souffert, n'est ce pas, épargnez moi

Je préfèrerais mourir  que l'on me mente ainsi, le mensonge est un poison court et rapide, long et influant, nul n'en échappe. Vivre en se mentant  ainsi tue tous nos proches, j'aimerais épargner mes enfants et petits enfants, plus que je fus épargnée moins qu'ils n'épargneront leurs proches.

Et tout ce noeud, car seulement je tentais de lui expliquer les épreuves qui arrivaient à certains de ses petits enfants, petits enfants, dont elle est, théoriquement proche,  afin qu'elle y  soit attentive, et puisse tenter de les aider, je crois qu'elle les aime, mais aussi ce serait bien qu'elle les comprenne, les aide.

Je me suis rétamée, comme d'habitude, plus que rétamée, gamellée, ramassée en miettes broyées.

Pfuttttt, quelle indécrottable gnocchi, je suis.

2 commentaires:

Martine a dit…

Il n'est jamais trop tard pour une thérapie voire une analyse qui ont le mérite, non pas de résoudre les problèmes mais d'y mettre de l'ordre et de les relativiser car on les aura en quelque sorte exorcisés.

Ladywaterloo a dit…

Tu sais j'ai "vu" plusieurs psy, certains très nuls et au bout de trois séances c'était off..

Un autre une année scolaire pleine de septembre à juin, mais il n'a pas su recoudre mon passé, il a juste tenté de m'expliquer que je n'y étais pour rien (à l'époque je me sentais complètement responsable de la mort de mes frères) et que je devais vivre avec.

Parler de ma mère? On a pas eu le temps, ou pas eu envie, en fait je crains que jusqu'à sa mort cela sera compliqué, car si je pardonne et accepte le passé, j'ai toujours du mal avec le présent, par exemple, son manque d'empathie à la mort d'un de ses petits fils mort né, son absence de présence lors d'un grave problème de santé chez une de ses petites filles, pourtant adorée.. Enfin bref. Maman est aux abonnés absents dès le moindre souci, elle ne peut pas, ça la stresse! Mais merde ça stresse tout el monde, non?