vendredi 11 juin 2010

C'est fou, Victoria me ressemble!


Aujourd’hui pas. Je suis toute contente du weekend qui s’annonce, Alice m’a téléphoné, ils nous rejoignent ce weekend, à la campagne. Je me réjouis d’avance de ce jour et demi, qui sera trop court, aussi je le prolonge en y pensant avant.

Je suis toujours heureuse de les accueillir, je retrouve alors  princesse Victoria, un amour de petite fille de  quatorze mois.  Son pacha et moi en sommes déraisonnablement  gâteux, car c’est une « fille », et chez nous, dans notre famille, les filles elles savent « y faire » pour charmer leur monde. Minauderies et sourires, Victoria accepte  même  se déguiser avec des colifichets au plus grand plaisir de son entourage qui joue à la poupée. Cette enfant de plus me ressemble, je l’ai décrété unilatéralement lorsqu’elle avait  trois mois, elle adorait déjà,  plus que tout  être dans le jardin et surtout contempler les fleurs. Mon jardin, mes fleurs.

Je vous ai dit elle sait « y faire »

Ma belle-sœur s’est exclamée, pour ma plus grande fierté,  dimanche, lors d’une réunion de famille :
« Mais c’est fou, Victoria te ressemble !  »

« Elle a ton caractère » a-t-elle rajouté ensuite d’un air entendu 

C’est un peu fou je le concède, car si Victoria  sait se montrer charmante et ensorceleuse c’est aussi une enfant  sensible et têtue, certains diraient entêtée,  qui peut avoir des colères insensées et sur-réagir de manière incontrôlable. Maman aussi  pense, qu’hélas, cette petite ressemble à sa grand-mère, sa fille, moi,  tant physiquement ce qu’elle trouve plutôt sympa, que mentalement, ce qui ne l’enchante guère.
 Me revient alors à l’esprit  un de ces nombreux incidents minuscules qui ont  forgés dans l’esprit de ma mère que décidément j’étais une enfant difficile. J’avais quatre ans.
Je me revois, assise dans la cuisine, devant une assiette de raviolis, la sauce rouge se figeait. J’étais seule à table, les autres avaient fini et étaient partis.  Maman s’énervait. J’avais décidé quelques temps auparavant  que plus jamais je ne mangerai de viande et les repas étaient devenus plus compliqués à gérer, tant pour elle que pour moi.
 Jusqu’alors j’avalais sans difficulté les raviolis qui me paraissaient conforme à ma décision, pas de viande repérée  dans cette nourriture. Flash, devant mon assiette pleine, fumante,  la sauce rouge est du sang. Paralysée  d’horreur, le  cœur au bord des lèvres, je refuse d’y toucher. L’agacement de maman est d’autant plus grand, qu’elle sait que j’adore les raviolis. Maman ne peut imaginer sérieusement qu’une petite fille de quatre ans  puisse prendre la décision d’être végétarienne. Je ne connaissais probablement pas le mot et mes explications ne l’avaient pas convaincue. Je ne voulais manger d' animaux morts.

 Mon ventre criait famine, j’étais vraiment très tentée, c’était très dur de résister à la tentation. Mais  j’avais décidé, un point c’est tout. J’avais aussi renoncé à me défendre. Maman ne me comprenait jamais, et à quatre ans, je le savais déjà.  Ce jour-là, je n’eus rien d’autre au déjeuner, mon ventre gargouillait, j’étais silencieuse et immobile. Le temps me parut très long , puis  elle me renvoya dans ma chambre, excédée. J’étais très fière de ne pas avoir cédé.

Maman a dû se rendre compte que j’étais fort satisfaite de moi, mais elle a surement  mal interprété mon sentiment, je n’étais pas fière d’avoir gagné ce bras de fer, j’étais fière d’avoir  vaincu ma faim, d’avoir imposé ma décision à mon corps. L’attitude de maman m’ennuyait mais je n’y pouvais rien. elle avait considéré ma résolution d'être végétarienne comme un caprice,  ce n’était pas un caprice mais une étape.

Maman était convaincue  que j’étais une enfant  difficile,  une  faiseuse d’histoire. Et que je suis devenue une adulte exigeante, difficile, faiseuse d'histoire? Elle me dit  souvent :
« Mais pourquoi tu ne fais jamais rien comme tout le monde »

Depuis que je suis  tout enfant je ne sais pas comment tout le monde fait, j’essaie tout simplement  de me débrouiller pour vivre.

A mon tour, j’examine  Victoria avec amusement et curiosité. Victoria qui lors de la réunion de famille le weekend dernier, a fait une grève de la faim et du sommeil, parce qu’elle se méfiait de l’endroit étrange où elle se retrouvait.  Une maison étrange  qu’elle ne  connaissait pas  et qui ne l'inspirait pas, dans une région qui lui était inconnue, de plus plein de gens inconnus peuplaient  ces endroits peu rassurants . Elle a  préféré  rester sur ses gardes en veillant tout en manifestant au passage sa désapprobation plus ou moins  silencieuse.   Alice et Théo ont eu la sagesse ne pas y prendre trop garde. Ils viennent toujours  à la campagne  en confiance, ma maison et ses habitants ont  l’heur de plaire à petite princesse et elle s’y montre généralement sous son jour le plus charmant.


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