Le baise-en-ville.

Hier nous sommes allés voir ma vieille belle mère, la vie n'est jamais un fleuve tranquille, à l'heure où elle ne devrait plus se soucier de son futur, ni même de celui de ses enfants, elle fait des choix douloureux, courageux que j'aurais préféré qu'elle ne fasse pas.

On ne peut choisir sa mort, ni celui du temps de la dépendance, alors que ma belle mère a toujours toute sa tête, son souci est toujours et encore plus de nous laisser un maximum de son patrimoine, en préservant, mais à son idée, les volontés des uns ou des autres, leurs possibilités et envies de garder telles ou telles choses.

De fait les frères et soeurs ne communiquent pas entre eux, tout passe par la mère qui le souhaite, cela rend les choses moins simples ainsi nous hériterons peut être d'un tableau représentant la méduse du radeau revu par Steinberg alors qu'on en a horreur et un autre recevra un véritable modelage de la main de Marilyn Monroe, alors qu'il aurait préféré le tableau  il est évident que ce genre de trucs est abracadabrant, les souvenirs Waterloo sont plus classiques, heureusement, la difficulté du partage reste la même.

Ma belle mère a toujours été organisée, ingénieuse dans ses solutions de rangements,  et d'arrangements, qui reflètent sa volonté de toujours faire au mieux. Quitte à ne pas savoir lâcher prise.... 

Après avoir vidé et vendu sa si jolie maison du bord de mer, elle se résout à quitter aussi  le bel appartement, choisi avec son mari, je ne l'ai jamais entendu se plaindre, ni jamais lâcher ne serait ce que l’expression d'un regret. Elle naquit avec une cuillère en or dans la bouche a survécu aux chambardements de la guerre, en perdant  un de ses frères encore adolescent. Peu à peu l'or de la cuiller devint vermeil avant de devenir simple argent, mais jamais elle ne se permit de regretter quoi que ce soit, si ce n'est la perte des valeurs de notre époque un ange passe je n'en dirai pas plus.

Mon fils Camille se rendant disponible et pouvant la conseiller dans ses choix nous accompagnait hier et il fut souvent surpris, par la négligence de ma belle mère de la valeur marchande de ses biens, son seul souci étant l'équité, par sa liberté d'esprit aussi, héritée d'un passé lointain. Lorsque Granny demanda à mon homme de sortir le "baise en ville" rangé "là haut, je vis l' oeil  de Camille étinceler.

Qu'est ce donc qu'un baise en ville?

Il découvrit avec amusement une petite valise, juste pour une nuit et fut déconcerté d'entendre cette explication

C'est un baise en ville, cela veut dire ce que cela dit, n'est ce pas? Un truc pratique, juste pour une nuit...

De fait cette valise a servi je le crois à soutenir davantage la réputation de la fierté de nos hommes qu'à tout autre chose, humour d'autrefois d'un monde qui n'est plus.

Nous sommes revenus avec un tas d'assiettes et il en reste encore tant, jamais je ne les laisserai, jamais je ne laisserai perdre les souvenirs de cette famille qui est celle de mon homme et donc de mes enfants, les autres frères et soeurs de mon mari auront à coeur, aussi,  je le crois de garder les témoins d'une autre vie, même si ceux ci, parfois prennent tellement de place.

Plus de six douzaines d'assiettes, six assiettes de présentation plus des trucs dont on en sait même pas à quoi cela sert, ce n'est pas raisonnable, cela ne se lave pas à la machine, mais laisser les souvenirs sortir de la famille.

Combien de baptêmes, de fiançailles de mariages des ancêtres de mon homme ont ils vu?