mercredi 4 mai 2011

Passeur d'âmes.

Je ne sais ni où ni comment ce nom m'a imprimé ses vérités, mais je sens la nécessité de ces gens qui transmettent les traditions, aident les choses à se faire, enterrer les morts et passer la vie. Serais je un jour une passeuse d'âme , je ne le crois pas, je suis trop frivole et velléitaire pour se faire.





Mais je suis volontiers une passeuse de maison, j'aime les maisons car elles ont nos âmes, de la plus humble à la plus sophistiquée, en fait peu de choses les séparent. Mon mari ce matin, m'a regardé prendre des photos et m'a dit:

Mais Penelope, que vas tu faire de telles photos?

Montrer ce que j'aime, simplement, car ces objets ont servi, et sont les témoins de ce qui fut et reste dans les mémoires de nos maisons à défaut des mémoires des hommes.

                                                  Ancien four à pain, en état, des scouts ont fait cuire une fois des pizzas, nous nous en servons comme remise de meubles de jardin.

Notre maison est à la fois, grande et très grande, mais reste d'abord une maison de famille sans prétention, pas même une propriété, mais je suis à la fois heureuse de l'habiter et consciente des responsabilités que cela me donne. Au début, je ne savais que faire de tout ce fatras. Lhom, habitué à passer ses vacances enfant dans des propriétés familiales,non.

J'ai toujours aimé les portes et fenêtres des maisons, les examine et les soupèse afin d'estimer leurs secrets. 




Je ne faisais aucun voyage sans rapporter des cartes ou photos des yeux de nos maisons,  je trouvais que l’expression de ces maisons se nichait dans leurs ouvertures et que celles ci révélaient nos âmes, les âmes de tous ceux qui ont vécu et aimé , là, du fin fond de la Grèce au  bord de Loire, de partout et nul part.

porte d'ancienne porcherie

Il y a quelques années, je n'osais pas trop rester dans les bâtiments de ferme depuis si longtemps abandonnés , le délabrement de tout me criait que je n'y arriverai jamais et cela me plongeait dans une désespérance,  perdre tous ces témoignages des gens qui furent, de leur travail. Aujourd'hui Je sais que je n'y arriverai pas, je suis moins perfectionniste dans mes rêves.





Certaines choses vont disparaître, d'autres seront sauvegardées, je ne peux pas tout, je ne suis que passeur de maison, avec  simplement l'amour de ce qui fut mais sans regret pour ce qui n'est plus. Je ne décide pas vraiment. Un coup de vent emportera  ce souvenir et un coup de coeur sauvera tel autre. ce ne sont pas mes souvenirs et c'est aussi pour cela que je les aime et les respecte.

Je crois que je préfère ces souvenirs aux miens, je peux les aimer sans pleurer. Et un jour, enfant, je me suis interdit de m’apitoyer sur mon sort, jamais, alors j'ai dressé des barrières et des frontières et me suis mise à aimer ces souvenirs qui ne sont pas les miens, l'affect en moins j'en trouvais plus d'humanité.

4 commentaires:

Françoise a dit…

J'aime, moi aussi, c'est "souvenirs" qui viennent de je ne sais qui.. qui ont parfois servis à 'je ne sais quoi"...
Qui ont parfois une beauté intrinsèque.

De même, j'admire souvent de beaux grands vieux arbres.. et il m'arrive de remercier l'anomyme qui les a planté, ceux qui les ont elagué et entretenus..
Je pense à tout ce qui a pu se passer sous leurs branches.
Et on se sent bien bien petit et de passage..

Oui on est de passage et des passeurs.. de témoins

maya a dit…

Mes beaux-parents avaient une maison en banlieue parisienne que leur propre grand-mère avait fait construire. Elle était grande et belle et nous avions dans un album des photos où des personnes de la famille avaient été immortalisées dans ce lieu. Un monsieur avec de belles "bacchantes", des enfants sagement assis, bien endimanchés, sur les marches mêmes que nous montions avec nos converses en rentrant du marché. Il y avait même une prise de vue avec une voiture à cheval qui passait dans la rue! Le carrelage en ciment de l'entrée était toujours le même mais les générations s'étaient succédées qui avaient sans doute modifié la décoration des pièces. J'ai bien failli habiter cette maison une fois mariée avec le fils de cette famille mais ses parents l'ont vendue, préférant acheter un appartement plus pratique pour leurs vieux jours. Désormais je me suis éloignée et je vis dans une ancienne grange que nous avons aménagé. Personne ne l'avait habitée auparavant car elle servait à stocker des légumes pour un maraicher. Il y a toujours sur le mur de pierres des traits comme le font les prisonniers qui comptent les jours, sans doute pour comptabiliser les cageots de carottes ou de radis...

Jacques a dit…

Très beau texte. Amour du beau et du vrai. Vous m'avez donné envie d'écrire à mon tour quelques pages sur ma maison.
Merci et bonne journée.

zenondelle a dit…

Bonjour Lady Waterloo,

J'ai deux siècles de retard. Ce texte me touche profondément, il est vrai et puissamment dit. J'aime ces contrastes flamboyants dans votre écriture mais aussi cette liberté avec laquelle vous vivez chaque chose, et qui caractérise chaque page de votre espace ... Aucun compromis, aucune tiédeur... Il fait bon vous lire
Bien à vous
Zénondelle