mercredi 25 janvier 2012

Rupture de générations.

Je pensais, hier, ne pas revenir, sur ce thème. Mes relations difficiles, avec ma mère datent de ma... naissance.

J'ai cru, très longtemps, ne pas avoir été enfant désirée, puis ne pas avoir le sexe "désiré" pourquoi, sinon, maman me coupait-elle les cheveux si courts, pourquoi refusait elle de me voir exprimer ma féminité?

 Maman, m'a dit il y a peu encore, regretter de ne pas avoir été un homme, cela m'a fait rigoler, à sa grande stupéfaction, moi, je n'ai jamais regretté être une femme, mais j'ai toujours considéré que nous avions autant d'atouts que les gars, sûrement pas les mêmes, pas obligatoirement plus performants, mais certainement pas moins, non plus!  Maman m'a dit alors avoir désiré ma naissance, une petite fille, le bonheur, sauf  que je ne  fus pas, la petite fille de ses rêves, douce, tendre, obéissante et avide d'apprendre les savoirs des femmes.

Maman a toujours considéré que la femme est un être inférieur, inférieur à l'homme, dans l'obligation d'obéir, à ses parents, à l'Eglise et aux zautorités en général. J'étais enfant en 68,  mais je crois que déjà, avant, je ne me suis jamais sentie inférieure à mes frères, ni aux hommes en général, toute petite, je manipulais mon petit monde, et  si j'avais plus ou moins de succès chez les femmes, amies de ma mère, soeur ou tantes voire ma grand mère, les homme de 7 à 77 ans,  marchaient au quart de tour,  des yeux doux de petite fille, un sourire, et ils n’avaient guère le coeur de refuser de m'accorder un instant de patience,  dès mes premières dents cela ne m'avait pas échappé.

Je n'ai jamais compris comment maman pouvait penser être inférieure. Ma soeur semblait lui emboîter le pas, en révolte cependant, contre ce fait. Mais j'ai toujours pensé qu'elle s'est construit "contre". Contre les "hommes" contre la "vie". Je ne suis jamais rentrée dans ce système. Ma grand mère tirant son fauteuil  sous le tilleul, avec maman ou ma soeur et se plaignant des hommes, maris ou fils,  ayant les droits et dont elles subissaient, plus ou moins le joug. Je fus encore plus classée renégate, pour cela, moi qui affirmais, haut et très fort, claquer les doigts et avoir les hommes à mes pieds, c'était faux, bien sur, mais je préférais mentir que me faire passer pour victime.

 Je ne fus pas victime des hommes, j'ai bien plus souffert par les femmes, ma mère, les religieuses chargées de mon dressage et aussi ma soeur aînée, dont je ne parle jamais, qui a cinq ans de plus que moi et qui est en vrai, si gentille, mais tellement traumatisée par un tas de choses. Je n'ai aucun souvenir de moment de jeu ou de câlin,  où elle s'occupait de moi, petite, en  jouant ou m'aidant  voire en me conseillant plus tard. je ne lui en veux pas, car je sais qu'elle a encore plus souffert que moi. Mais je n'ai aucun lien avec elle, l'apprivoisement se fait enfant.

Maman m'a toujours dit, qu'il me fallait obéir à mon mari. J'avais expliqué à l'homme de ma vie, que je l'aimais, pire l'adorais, mais que je refusais résolument  de lui obéir. Je fus honnête dès le départ, et l'ai prévenu bien avant même nos fiançailles, mon homme aurait pu fuir, il ne l'a pas fait.  Maintenant, encore, lors des petits ou grands désaccords, je ne m'écrase jamais, je  ne crains même pas, parfois, de l'attaquer au bazooka, au cas où. 




   Et aujourd'hui, je me suis rendue parfaitement ridicule, je souhaite regarder  ce soir Grey's Anatomy  Ok, j'ai un goût épouvantable,  il y a  sur la deux, le truc de la France des années 80, que je hais, à priori!  Je pensais que mon homme aimerait  regarder  cette merveilleuse  production française.  Notre joute verbale a duré, longtemps, déjeuner, puis café,  il riait, me  je suis rendue, compte, tard , et avec contrition qu'il se fichait de moi, mon mec est horrible!



La rupture des générations date, je crois des années, 68, les femmes ont eu alors accès rapidement à la contraception, puis à l'avortement  recours suprême pour garder sa liberté et ne pas mourir  de ne pas accepter une naissance non seulement non désirée, mais impossible à assumer. Je ne pense pas que notre loi Veil soit parfaite, surtout que mal appliquée, l'aide aux femmes est inexistante au profit de l'IVG, dommage, mais que des femmes aient préféré, autrefois mourir plutôt que de pouvoir élever un enfant  de plus me parait être une suffisante justification de cette loi.

La génération dont je suis parmi les aînées, a cette liberté fabuleuse, de pouvoir mener leur vie,  à peu près  aussi librement que les hommes. Je sais que l'on dit cela depuis très longtemps, mais je pense faire partie des premières générations avec pilule et avortement si nécessaire, je sais que notre responsabilité est terrible, mais elle le fut aussi autrefois, lorsque seules les femmes portaient le blâme d'être fille mères, voire responsables de naissances surnuméraires ( les géniteurs, alors n'existaient pas!). Même sans avoir un travail rémunéré, les femmes sont depuis allégées du fardeau  de leur allégeance, l’inégalité entre les sexes, fut vraiment abolie avec ces progrès, au moins physiquement, mais il reste le poids des traditions, l'habitude.

Ma mère aurait pu faire partie des générations "transitoires" elle ne le fut pas, son éducation en Afrique du Nord, par les Religieuses de Sion l'a mis à l'abri de cette perversion de la liberté chez les jeunes filles. Maman a tenté de nous trouver les plus ringardes des institutions religieuses "castratrices" de l'intelligence,  annihilant toute volonté d'autonomie.  Elle a échoué, complètement avec moi.


Nos relations en furent pourries depuis le départ. Je n'ai pas jeté, l'eau du bain avec le bébé, je me suis mariée et ai eu plein d'enfants avec mon mari, mais je sais depuis toujours que je ne dois obéissance ni à ma mère,  ni à mon homme, je suis une femme libre dans sa tête, et je vis en tenant compte des réalités et de la vie de ceux que j'aime, par choix, pas par obligation. Cette relative rebellatitude a suffi pour me mettre au ban des femmes "bien" de la famille, les hommes ne sont pas tous des machos, les divorcés pas tous des salauds.

  Bien des choses m'éloignent de ma mère qui n'accepte pas, en fait de voir cette rupture d'héritage, la passation des traditions ne se fait pas, notre manque de réelles  discussions, l'éducation  fut injonction,  le ciment  de notre proximité n'existait pas, maman, ne me fut jamais proche, elle ne le souhaitait pas, ou ne le pouvait pas. De notre manque de complicité, je m'éloignais, mes frères moururent, mais sans complicité pas d'amour vrai, je suis partie, le plus loin possible moralement,  en tentant de ne pas l'abandonner, mais sans proximité de nos coeurs.

A onze ans, j'ai cru mourir, je perdais du sang, à l'école, j'allais aux toilettes, au collège, chez moi, de honte je n'en ai pas parlé, à personne,  je mettais plus ou moins du papier pour éviter de tout salir, une religieuse s'en rendu compte, et désolée me dit


"Mais , penelope, ta mère  ne t'en a pas parlé?"


Ma mère ne m'en avait pas parlé, j'ai  cru mourir deux jours, la religieuse  m'expliqua alors un peu, que j'étais normale! Ouf!  Ma mère, prévenue, j'imagine par téléphone, le soir, se borna à me refiler des "trucs" et me prier être très discrète, les règles sont la honte des femmes, aussi!



10 commentaires:

Anonyme a dit…

Oh !! moi non plus "elle" ne m'en avait pas parlé...
On ne parle pas de ces "choses" là.

jacqueline.

Martine a dit…

Je pense que faisant partie de la même génération ou presque (j'étais ado en 68), j'ai vécu un peu les mêmes choses avec ma mère: elle voulait un garçon, je fus une fille qu'elle négligea les premières semaines avec un sursaut lorsque je faillis mourir d'une sténose du pylore.
Elle me parla de "ces choses là" mais me dit aussi que personne ne devait s'en apercevoir... Heureusement que j'ai eu des copines plus libres pour faire mon éducation sexuelle Pourtant ma mère pasait à son époque pour une femme libéré".

SylvieT a dit…

Je suis née en 70 d'une mère qui avait prévenu son mari (mon père!) qu'elle ne savait pas faire la cuisine.Ils allaient tous les deux à la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne)qui pronait l'égalité des sexes et les actions pour un monde ouvrier plus juste.j'ai toujours vu mon père mettre la main à la pâte, faire des machines et du repassage en étant infinimant respecté par ses enfants. Ma mère allait aux réunions politiques(de gauche) et animait les messes. A la maison, la famille (nombreuse) débattait haut et fort, et ça continue aujourd'hui! pas d'abcès à creuver, on se dit ce qu'on pense, et tout ne marche pas toujours comme sur des roulettes, il y a des jalousies, plus ou moins assumées mais la vie est plutôt saine.Je suis née en 70, ça aide, mais attention rien n'est gagné, une génération de certains garçons macho et filles nunuches doit être évitée!! ;) Allez les quadras ont ne lache pas la garde!

francoise a dit…

Bonjour,
tu sais, tout les mercredis je vais à L'UFR Blaise Pascal, suivre les cours de Mme Claude GRIMMER, Histoire des Femmes et de l'Enfant, Etude du genre.
de 15 H 15 à 17 h 15
je comprends ainsi plus de choses,
j'ai plein de ressemblances avec toi, si je puis me permettre,
mais je crois que tu t'en sors mieux que moi
je suis plus vieille, c'est pour cela
18 ans en 1968, déjà trop tard,
bonne journée

zenondelle a dit…

Tu as une belle force, dis donc et j'ai beaucoup aimé te lire. Ta façon de te livrer entière mais en retenue, avec une certaine pudeur qui n'empêche pas l'authentique. Quelle intelligence, quelle lucidité aussi ! C'est si difficile ces "ruptures" de génération. En tout cas, tu t'en sors très bien, et l'insolence de ta liberté de femme ne peut que me plaire. Oh comme j'aimerais te rencontrer en vrai !
je t'embrasse

Clo a dit…

si j'étais sur facebook, je cliquerais j'aime (avec enthousiasme) sur chacun des commentaires, un peu comme Zenondelle, c'est assez souvent que j'aimerai un "pouf" qui nous ferait toutes passer du coté volume avec thé et papotis à batons rompus ;-)

Ladywaterloo a dit…

Je ne m'en sors pas si bien puisque j'ai encore besoin d'en parler et ne suis pas détachée! Je rumine parfois des heures après un coup de fil horrible, ordinairement je vais en parler à mes poissons rouges, qui écoutent (ou pas) sans commenter. L'hiver tout cela retentit plus fortement, les choses sont moins légères....

Anonyme a dit…

Contrairement à vos poissons, je vous "écoute" attentivement et je commente..ouf!!!

jacqueline

Francine a dit…

Milady, je te trouve un peu dure avec toi-même. Tu es capable d'écrire un texte sans pathos mais avec de l'émotion sur tes rapports avec ta mère, ça prouve que
- tu es capable de raconter ce que tu as vécu sur un blog, donc à des inconnus et ça n'est pas évident du tout
- tu as suffisamment de recul pour ne pas tomber dans la plainte et l'auto-apitoiement
- tu n'as pas peur d'exprimer tes sentiments et tu es assez forte pour ne pas les refouler.

Enfin et surtout une mère telle que la tienne et des épreuves difficiles ne t'ont pas empêchée de vivre comme tu l'entends.

Alors tu ne crois pas que tu pourrais être fière de toi ?

Anonyme a dit…

Meme vecu,meme conséquences. Tu peux si tu le souhaites aller lire sur mon blog, mon billet du 19 novembre 2010 .Tu t'y retrouveras je suppose.

http://cequelonseme.canalblog.com/


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