Traditions et coutumes de Noël varient dans chaque famille, la famille de Lhom ne fêtait pas Noël comme nous le faisions à la maison et nous ne passons pas les fêtes de la même façon qu'il y a trente ans. En réfléchissant à ce qu'il me restait à préparer, je me suis rendue compte qu' insensiblement nos habitudes changeaient.
Les Berezina (ma famille) passaient systématiquement Noël chez eux, point de famille du côté de papa et ma seule aïeule, grand mère maternelle passait les fêtes chez son fils unique. Cela convenait très bien à tous.
"Le" Noël type dont je me souviens est un Noël provençal, Maman revendiquant bien fort ses origines provençales bien qu'elle n'ait finalement qu'un quart de sang provençal et fut élevée en Afrique du Nord. Tout commençait au début de l'Avent qui sonnait l'heure de la préparation de la crèche, crèche monumentale, maman profitait des tous ses passages en France pour acheter tous les santons Carbonel qu'elle ne possédait pas encore, elle en possède plus de 170... La crèche, était dans ma petite enfance le seul élément stable sur lequel maman pouvait compter pour faire "comme si" nous étions en France.
Elle opérait seule, après avoir fait dégager le coin du salon ou était installé alors des planches sur des tréteaux. Elle recouvrait l'ensemble méticuleusement de papier camouflage en le froissant, ce papier était sensé imiter la nature, il était fort laid. La grotte était façonnée dans ce papier et avait un lumignon pour l'éclairer. Rivière en papier argent, moulin, ponts tout était supposé représenter un village provençal de la fin du XIX. Mousses et graviers, cachaient heureusement à peu près le vilain décor sur lequel était disposé les santons.
Durant tout l'Avent,chaque enfant avait un mouton identifiable par son prénom marqué au dessous. Ce mouton faisait la course avec les autres petits moutons, il avançait ou reculait vers la crèche vide selon la sagesse de l'enfant représenté. J'étais avec mon frère ainé souvent à la traine, mas je m'en moquais complètement, le 24 au soir nous étions tous unis, côte à côte à contempler l'enfant Jésus tombé du ciel.
Petite crèche provençale. Celle de maman était infiniment plus grande et compliquée.
La crèche était le point phare de la décoration, décoration simplement complétée par un immense sapin, décoré de boules fragiles et guirlandes dorées. A la maison nous avions des guirlandes électriques qui nous ravissaient, hypnotisés par la régularité des: j'allume, j'éteins, j'allume... Il n'y avait ni couronne ni autre décor qui n'étaient point de mises à cette époque là.
Le 24 au soir, la fête ne commençait pas avant minuit, nous dinions le soir du 24 très simplement d'une soupe de légumes et d'un yaourt, exceptionnellement papa dinait à la cuisine, avec nous, laissant le temps à maman de préparer ainsi la salle à manger et les trésors qu'elle devait receler.
Nous n'étions pas invités à aider maman pour quoi que ce soit, tout devait être parfait, donc sans mains maladroites d'enfants. Elle dressait une table solennelle dans la salle à manger décorée exceptionnellement par des bougies. Point de cheminée allumée, maman n'avait pas cette tradition là.
Après avoir grignoté des crottes en chocolat et quelques autres douceurs. Juste avant le départ pour la messe, nous étions invités à venir déposer sous le sapin, chacun, un de nos souliers. Nous allions à messe de Minuit, à pied de préférence et endimanchés jusqu'au cou. La messe durait longtemps, mais à condition de rester discret nous pouvions nous assoupir.
De retour de la messe, le père Noël était passé, le père Noël ne faisait pas partie du folklore familial mais la débauche de cadeaux, si. Nous déballions nos cadeaux très excités en prenant juste le temps de grignoter encore du chocolat. Je suppose que mes parents buvaient du champagne mais je ne m'en souviens pas.
Nous nous mettions à table vers une heure du matin. Nappe blanche, bougies allumées, porcelaine et verres en cristal. Le menu du 24 au soir était souvent composé de saumon fumé, boudin blancs grillés accompagnés de pommes et purée, parfois nous avions des bouchées "à la reine" aux saint Jacques d'autres fois de la langouste. Le point d'orgue de ce souper était les treize desserts sans lesquels la chance allait manquer à la famille, ils devaient être tous présents sur la table même si la place manquait. De vrai dessert il n'y en avait qu'un, en principe une bûche glacée, maman superstitieuse comptait et recomptait les desserts afin d'être certaine de ne pas s'être trompée.
La corbeille de fruits où devait obligatoirement figurer des mandarines ou oranges. Dans des coupes les quatre mendiants: noix, noisettes, figues sèches et dattes, les fruits déguisés de pâtes d'amande ( cerises, noix, dattes, pruneaux, amandes, orange confite), la pompe que nul ne touchait espèce de brioche grasse, seule maman aimait cela, et des sucreries qui nous étaient servies qu'à cette occasion: nougat, calissons, marrons glacés, pâte de coing. Le décompte devait absolument aboutir à ce fatal chiffre de treize, ni plus, ni moins.
Nous ne nous attardions pas à table mais retournions vite jouer, puis accablés de fatigue nous allions de nous même nous coucher. Le lendemain , seul un déjeuner solennel marquait la journée. A ce déjeuner le menu était immuable; foie gras, dinde farcie avec marrons et champignons, salade, fromage et enfin les treize desserts dont la bûche pâtissière était le point d'orgue. Nous étions fréquemment malade, l'un ou l'autre voire tous de ces excès, mais en quelque sorte cela faisait partie des traditions.... Heureusement nous avions une semaine avant de nous remettre.
Les années ou Maman passe Noël avec nous, aujourd'hui encore elle dénombre machinalement les desserts que je pose sur les tables, et ne se trouve pleinement rassurée quand après avoir un peu triché elle trouve enfin le nombre fatidique.
On dira que les chocolats ne comptent que pour un! S'exclame t- elle soulagée parfois. Cette année elle passe Noël chez ma soeur qui est, elle aussi, aussi très attentive à ces détails.
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