Mon mari a osé une seule fois me dire une chose pareille, ça tombait mal, Valentin venait de naître, il me réveillait les bonnes nuits cinq ou six fois, les mauvaises j'arrêtais de compter à 20. Valentin est mon sixième enfant, j'avais emménagé lorsqu'il avait deux mois, car mon homme prenait un nouveau poste.
Un jour de d'octobre, entre deux absences, mon mari m'informa des dates de ses congés, ces dates ne me convenaient pas du tout, son adjoint s'octroyait "la" meilleure période,enfin celle que je voulais aussi, et alors que d'habitude je suis très magnanime, j'hésitais, mon mari me dit soudainement, pour emporter ma décision, me sachant très loyale, ordinairement;
Tu comprends, ils n'ont pas le choix, elle, elle travaille.
Si vous n'avez jamais vu de furie, vous n'avez aucune idée de la transformation que j'ai subi, illico, je venais la semaine précédente, me voir refuser une seule journée de cantine pour mes deux plus jeunes enfants scolarisés, car je "ne travaillais pas", il eut fallu que je pleure auprès d'une assistante sociale pour témoigner de mon épuisement nécessitant un peu de repos, naturellement je ne l'ai pas fait, jamais je n'aurais quémandé un "passe droit" .
Un matin de cette semaine là, après une mauvaise nuit, conduisant au radar, dans un brouillard complet, j'avais éraflé tout un côté de la voiture en accompagnant les enfants à l'école, crevée et voyant que rien n'était en péril je ne me suis même pas arrêtée, je vis les regards stupéfaits des autres conducteurs, vous comprenez, j'étais toujours seule avec les enfants,et un rétroviseur de plus ou de moins ne m'affectait pas outre mesure. Valentin était insomniaque, à six mois quand on est insomniaque, on le fait savoir, haut et fort.
Je ne "faisais rien", donc je n'avais droit à rien, pire mon mari travaillait, gagnait bien sa vie, je soignais mes gosses, et m'en occupais autant que je le pouvais j'avais tout faux. Après ces éraflures, et ayant eu un peu peur, j’arrêtais néanmoins d’accompagner parfois mes enfants à l'école le matin, Alice bossait super bien et Guillaume s'en fichait, ils ont eu quelques matinées de congés supplémentaires. Yann et Camille étaient autonomes pour leurs trajets heureusement.
Une amie médecin, qui me suivait pour surmenage et dépression légère, enfin coup de blues, ne savait plus quoi faire pour m'aider. J'avais juste besoin d'un peu de vacances, de vraies vacances.
Lorsque mon mari était revenu et m'avait interrogé sur le côté assez grunge de la voiture, je l'avais prévenu que s'il me faisait une seule remarque, je partais en lui laissant la garde de TOUS les enfants, la voiture roulait, elle avait même un nouveau rétroviseur, il n'y avait pas péril en la demeure.
Mon mari planait sur son petit nuage, son job était super génial, crevant et plus que prenant, enfin après cinq années de Paris il s'éclatait, j'en étais très heureuse pour lui, mais cependant, j'avais besoin, moi aussi, d'oxygène. Quelques jours après son retour, mon mari rentra avec le planning des congés, il me le montra en me disant que je pouvais choisir, normal il était le boss, je choisis, pour les premières vacances, des dates, il se renfrogna. Je le questionnais alors, avait il du boulot à ce moment là? Une réunion importante, un truc, quelque chose?
Non, me dit il, mais mon adjoint voulait ces dates, tu comprends, elle, elle travaille.
J'ai entendu
Toi tu ne fiches rien, tu es toujours en vacances
Je n' avais rien à faire de son adjoint, renseignements pris, sa famille habitait la région depuis toujours, ils avaient deux enfants et sa femme bossait. Je sentis le piège se refermer, si je cédais cette fois là, j 'aurais toujours à prendre les dates qu'ils nous laissaient, moi, j'étais toujours en vacances. Je décidais alors de prendre les dates que je voulais, puis par la suite, laissais une fois sur deux, le premier choix à "la femme de son adjoint"
Moi, je ne travaillais pas, mais c'était un choix, comme le travail de cette femme était un choix, nous supportons tous les conséquences de nos choix de vie, je tins bon, nous avons eu les dates que je choisissais et par la suite, ainsi que je l'avais dit, nous choisissions une fois sur deux nos dates.
Vous comprenez, moi, je ne travaillais pas^^^^
4 commentaires:
Dans une cellule familiale où un seul des deux conjoints a un emploi rémunéré à l'extérieur, les activités sont réparties d'une certaine manière, et l'argent emprunte des canaux spécifiques.
Mais une certitude pour moi : femme/mère au foyer c'est un travail.
Les journées font 24 h pour tout le monde, et il est profondément injuste que celles qui travaillent à la maison soient culpabilisées, pendant que cela donnerait une priorité sur elles à celles qui travaillent à l'extérieur.
Vous aussi vous travaillez et vous avez à vous organiser : pas au même endroit, ni pour le même salaire, ni pour la même retraite.
Vous avez bien raison de ne pas vous laisser marcher sur les pieds.
Tu cours droit dans le mur, Pénélope, tu as raison, bien sûr, moi, j'ai fait les deux et je sais ce que sont l'un et l'autre (ceci dit avec 4 enfants, je n'ai jamais travaillé à temps complet mais suffisamment quand même). Je connais le travail ingrat de la maison et les enfants malades, chouineurs, bêtiseurs et autres petits plaisir. mais quelqu'un de mal intentionné te dira sûrement: "Mais pourquoi as-tu fait autant d'enfants, ta vie eut été plus simple avec 3 enfants, au pire 4.". Moi, je ne suis pas mal intentionnée et je comprends qu'on veuille des familles nombreuses. Une de mes amie qui en avait 6 s'est vu entendre: "Elle fabrique de la chair à canons". Ce n'est pas mieux.
Entièrement d'accord avec toi,
tu travailles plus que moi...
j'en suis certaine car il n'y a pas d'arrêt, 24/24, sauf maintenant que certains oiseaux ont quitté le nid ?
et d'ailleurs ton mari pouvait choisir ses congés, par rapport aux enfants...
et ça c'est un droit, non ?
il aurait pu dire aussi "elle, elle travaille à l'extérieur !"
à bientôt
Les deux trucs qui me semblaient importants à souligner étaient d'une part que la phrase "tu comprends, elle, elle travaille" était blessante et non fondée et d'autre part que chacun choisit sa vie, et doit assumer ses choix.
Je n'aurais pas pu élever plus de deux ou trois enfants et bosser à l'extérieur sans une aide sérieuse à la maison, je me souviens trop bien des grèves surprises de la cantine des enfants, des écoles fermées... J'aurais eu beaucoup de mal à gérer ce stress énorme.
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