jeudi 2 janvier 2014

La famille dont je suis issue.

Parfois je donne l'impression d'être une "super wonder woman" de la réussite familiale, c'est une impression, je vous rassure, pas une réalité.

Il n'y a pas de famille sans conflits, il n'y a pas de familles sans jalousies, envies, angoisses et jugements des autres. Il n'y a pas de famille idéale, il y a juste des familles.

Je suis issue d'une famille dont un psy dirait que son fonctionnement était, en fait, le problème est que cette famille ne fonctionnait pas, il y avait dysfonctionnement majeur. Chez nous, il n'y avait guère de communication entre les parents et les enfants, guère d'empathie entre la mère et ses enfants.


Ma mère m'a terrifié lorsqu'il y a environ quinze ans, elle m'avouait

Lorsque autrefois je vous avais tous autour de moi et que j'étais heureuse, je pensais que vous étiez tous heureux.

Erreur, erreur fatale, deux de mes frères se sont suicidés, jeunes. Je crois que maman est narcissique, nous sommes tous narcissiques, mais ma mère l'est davantage que les autres, elle ne peut juger les choses et les gens que par rapport à son propre vécu.

 Le reste de la fratrie se compose d'une sœur aînée et de mon frère cadet. Ma sœur aînée a cinq ans de plus que moi,  je  ne partage avec elle aucun souvenir d'enfance, pas même de jeux ou de bavardages. Elle me tenait à l'écart, pour je ne sais quelle obscure raison, mais elle avait ses raisons surement, je me demande encore à présent, si je n'ai pas commis, toute petite une horreur que tout le monde m'a caché, cela m'expliquerait bien des choses. Mon dernier frère, de cinq ans mon cadet, était le chouchou de tous et ma sœur aînée  l'a énormément materné, nous nous entendions relativement bien ou mal selon les époques, les relations se sont rompues depuis que je me suis éjectée de ma famille.

Un jour, maman m'a fait mourir de rire, rire jaune, en fait, elle m'avait alors raconté comment elle me projetait adulte. Elle me voyait  femme active, travaillant à l'extérieur se mariant tard et ayant tout au plus un ou deux enfants, cela tout compte fait n'est guère surprenant. Maman  ne me trouvait guère féminine, intelligente mais pas vraiment soumise à l'autorité; n'étant pas très douée pour la couture ou le tricot, je passais ma vie à bouquiner, pas un truc de nana, avouez le! Je me suis mariée à 18 ans, et ai eu sept enfants, je n'ai pas changé de mari, mon mari ne m'a pas répudié, crainte de ma mère, car je ne suis pas "obéissante". Maman est passée à côté de moi, sans s'en rendre compte.  elle m'a maintes fois blessée sans le vouloir, m'offrant des cadeaux plus masculins que féminins, je ne suis pas gnangnan rose et fanfreluche mais je ne suis pas le garçon manqué qu'elle voyait au travers moi au point de m'appeler par un prénom masculin ce qui m'a toujours peiné terriblement.


                  Le gabian déchainé             Les gabians sont les mouettes, à Marseille, de vrais rats des mers.

Il y a dix ans, ma sœur aînée s'est rapprochée géographiquement  de ma mère, j'ai su alors que je devrais me battre pour rester dans la famille, je me suis battue, longtemps, puis alors qu'un xième accrochage a eu lieu,  j'ai mûri  et estimé que maman était très heureuse entre ma sœur et mon frère et que je devais me mettre hors course.

 Cette attitude m'a bien entendu fait souffrir au départ, mais au moins m'a évité bien des emmerdements, je suis différente de ma sœur et de mon frère, et maman manifestement se sent plus à l'aise avec eux qu'avec moi. Ils ont organisé à Pâques dernier, à la date que je souhaitais et fut refusée par ma mère,  son anniversaire, ses 80 ans, sans moi. Ma sœur avait menti sur Facebook, prétextant qu'à cette date maman était absente de chez elle,  ma sœur a toujours menti pour se défendre, je ne lui en veux pas, défense des faibles, elle tente de se débrouiller. La raison officielle de cet anniversaire pour lequel je ne fus, ni conviée, ni même prévenue était que "seuls les  proches étaient invités". je ne suis pas une proche. Étrangement cela m'a libéré.


Si j'avais eu le courage il aurait fallu que je continue à faire semblant , rencontrant et recevant maman en donnant le minimum de prise sur moi, et aussi sur ma famille. Mon courage s'est émoussé, je ne peux plus. Chaque visite de maman était de plus en plus difficile à organiser, chantage affectif, nuits blanches. Maman réussissait même à me coincer à me culpabiliser, lors de fêtes familailes, comme au dernier baptême où elle fut présente chez moi.  J'étais à table coincée entre elle et le prêtre invité, qui me sermonnait gentiment, après que maman se fut plainte doucement de ma dureté, damned! J'en avais les larmes aux yeux, je fermais ma gueule.

A présent que les liens sont rompus, j'espère sincèrement qu'ils sont tous heureux, sans moi. Parfois un de mes fils me reproche cette rupture, je le regrette, je n’empêche pas mes enfants de voir ma famille, mais je ne m'impliquerai plus. Je sortirai un Joker, je les ai tous gardé, je crois que  j'en ai une provision suffisante.

Une des choses amusante mais signifiante, enfin pour moi est que maman parle souvent des familles nombreuses,   et des "saintes mères de famille nombreuse". Je ne dis que rarement, on ne dit jamais, jamais,  mère de famille "nombreuse" mais que j'ai beaucoup d'enfants. Les enfants sont avant leur mère, et , grâce à eux, nous formons une tribu. La mère ne doit pas rester au centre de la famille même si elle en est responsable, les enfants y sont d'abord les acteurs, sans eux, comme sans les parents, pas de famille. Les parents, mère et père les accompagnent et les élèvent, mais ne sont rien sans leurs enfants.


Il  n'y a pas de famille idéale ni de famille formidable, cela relève de l'utopie, ma plus grande force, à présent et non seulement de le savoir mais de l'accepter. Il n'y a aucune éducation parfaite, seulement des éducations moins mauvaises que d'autres. Il y a quelques erreurs fatales à éviter lorsqu'on élève des enfants et aussi quelques trucs à comprendre dans les relations dans une famille,  il y a, je le crains, toujours des blessures des erreurs mais les choses ne sont pas immuables, à condition d'accepter de voir les choses et les gens comme ils sont, même nos enfants ne sont pas parfaits, pire ils savent que nous ne sommes pas parfaits.


11 commentaires:

Brizou a dit…

douloureux tout cela... on aimerait pouvoir dire que l'on aime ses parents et on se sent "anormal" de ne pouvoir le faire totalement. J'étais la dernière de six, la "chouchoute" selon mes frères et sœurs (???) Depuis la mort de Maman ma sœur aînée ne me parle plus... On aimerait faire partie d'une belle et grande famille mais la vie en va autrement...

francoise a dit…

bon, bien, décidément
ta mère, c'est celle avec la sac blanc, elle fait la tête ????
t'est mignonne !
je ne dis jamais le mot m...n
mes enfants ne m'appellent pas trop ainsi,
ton message est beau mais triste...
tant que tu dis m...n tu n'as pas fait le deuil...
courage fuyons

Ladywaterloo a dit…

On ne choisit pas sa vie, et tu le sais bien, Brizou, mais si mon passé est douloureux, c'est mon histoire et je vis avec, je suis habituée. J'ai hésité avant d'écrire cet article, je l'ai fait surtout pour expliquer que les vies ne sont pas "coincées".

C'est peut être le premier article d'une suite, le seul qui fera référence à mon passé, j'ai tenté d'écrire d'abord sur mes enfants, mais me suis rendue compte que je suis obligée de donner certaines clefs de lecture, donc, de me dévoiler un peu.

J'espère que je ne blesse personne en parlant ainsi.

Ladywaterloo a dit…

@ françoise, ce n'est pas ma famille.

Ma mère, reste maman, elle n'a pas fait exprès, elle a fait de son mieux, je crois.

H. a dit…

Bonjour,

"l n'y a pas de famille idéale ni de famille formidable, cela relève de l'utopie, ma plus grande force, à présent et non seulement de le savoir mais de l'accepter. Il n'y a aucune éducation parfaite, seulement des éducations moins mauvaises que d'autres. Il y a quelques erreurs fatales à éviter lorsqu'on élève des enfants et aussi quelques trucs à comprendre dans les relations dans une famille, il y a, je le crains, toujours des blessures des erreurs mais les choses ne sont pas immuables, à condition d'accepter de voir les choses et les gens comme ils sont, même nos enfants ne sont pas parfaits, pire ils savent que nous ne sommes pas parfaits."
Votre propos est touchant est si juste. Je crois que face à une telle situation, et nous en sommes tous témoins à des degrés divers dans nos familles respectives, l'important est de ne pas s'entretenir dans une jalousie ou une haine qui ne peut aller qu'en s'empirant si on n'y prend pas garde. Savoir s'effacer demande beaucoup de courage mais c'est probablement la voie de la sagesse. J'espère simplement que vous n'en souffrez pas trop. Garder la cohésion d'une famille est un vrai challenge qui demande un travail constant de la part de tous ses acteurs. Ça n'a rien d'évident mais c'est, je crois, gratifiant.
Meilleurs vœux pour 2014.

Iris a dit…

Il y a beaucoup de générosité à écrire cet article . Vous donnez de vous meme, ce qui n'est peut etre pas évident. Bien sur qu' il n'y a pas de famille parfaite. Votre passé, enfance aurait pu vous dégouter de construire une famille. Le contraire a eu lieu, vous avez eu beaucoup d'enfants, paricipé à la construction d'une tribu. Je trouve votre vécu interessant par l'autenticité de vos articles (c'est à dire que vous n'exposez pas une vie ideale comme dans certains blog qui, on dirait des vitrines, mais la realité) et la façon trés fine et intelligente dont vous reagissez dans le bon et le mauvais.
Au passage bonne année et longue vie à votre blog.
ps: j'ai lu , il y a peu, le livre de Delphine de Vigan , Rien ne s'oppose à la nuit, qui traite de la famille et notemment des suicides qui endeuille cette famille. Un trés beau livre.

Unknown a dit…

Peut-être avez-vous lu l'autobiographie de Françoise Dolto, à quoi me font penser des éléments de votre article.
D'une fratrie de sept enfants, d'un milieu bourgeois classique de la France de la génération précédente, quant au cadre.
Et pour le particulier, des drames familiaux, et comment chacun se débrouillait avec sa souffrance et celle des autres : un parcours d'être-fille, être-femme, être-mère, que j'ai trouvé éminemment partageable. C'est pourquoi je vous en fait part.

FAF a dit…

Bonne et heureuse année Lady.
Mon compagnon cet été a entendu de la bouche de sa mère, que non il ne pouvait pas coucher chez "eux" (nous venions de faire un "détour" de 600 km et en avions encore autant pour rentrer, venant voir son papa qui rentrait d'une hospitalisation) car cela la fatiguait trop.
A la question "alors pourquoi as-tu invité demain ma cousine et ses deux enfants en bas âge", il a entendu "je ne veux que ma famille auprès de moi".
Ravie de savoir que votre fils n'est pas de votre famille charmante "belle-maman"...
On a le droit de ne pas aimer sa famille et ses parents;

Martine a dit…

Mon frère déteste ma mère, pourtant, seul fils, ce fut le chouchou. Je n'aime pas ma mère, elle représente la classe sociale que j'abhorre, celle des bourgeois nantis qui méprisent les autres. J'ai mis beaucoup de temps à accepter cette idée. Pourtant, maintenant, elle a 100 ans et je dois l'assister malgré son tempérament obtus et impossible. Voilà, malheureusement il y a un devoir filiale et encore une pointe de culpabilité. Dieu veuille que mes enfants ne me détestent pas.

Ladywaterloo a dit…

J'ai lu la bio de F Dolto, le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'a pas élevé ses enfants comme elle a été élevée elle même.

Le mépris de l'autre est incompréhensible, autrefois les barrières sociales étaient très dures, heureusement elles le sont moins aujourd'hui, enfin j'ose le croire.

Anonyme a dit…

j'aime votre article sur la famille !
ainsi que celui sur le cinéma , justement je viens de regarder en streaming un film avec Balasko : Maman ...(à voir chez soi !)
oui, moi aussi je trouve les sorties au cinéma , alors que j'adorais çà , de plus en plus affligeante ...alors le streaming , collé à mon ordi çà me convient , c'est un peu comme dans l'avion collé à l'écran au dos du rang précédent ...
constance