Ce matin je suis allée voir Céline, ma voisine, je ne l'avais pas vu depuis au moins huit jours. Céline m'inquiète, elle file du mauvais coton, son garage perpétuellement ouvert depuis que je connais le hameau, donc depuis douze ans, reste fermé, depuis trois semaines, je ne sais pas pourquoi.
Vers dix heures je me suis fendue d'une petite visite de courtoisie. Et sans me cacher, en toute franchise, je lui ai demandé
Pourquoi tu fermes ton garage?
Je ne sais pas, j'ai peur.
Tu as peur des attentats, tu sais on est pas à Paris ici..
Céline a enfin souri
Non je n'ai pas peur de ça, je ne sais pas, j'ai peur.
Il y a un truc que je n'aime pas, c'est quand Céline a peur, Céline, c'est une vraie rurale, elle adore Jean Pierre Pernaud et Mimi Mathy, elle voue une véritable passion pour les oies et se dévoue corps et âme pour son mari mais, soyons honnête, surtout pour ses deux filles. Céline élève des poules et des lapins, Céline n'a peur, en général de rien, sauf des papiers et de l'administration qui lui flanquent une trouille d'enfer.
Nous avons évacué les problèmes de voisinage, enfin pas si certain, mais les avons relativisé, Céline est restée morose, inquiète, elle entend des bruits venant d'une parcelle de bois nous appartenant, n'osant y aller voir seule, je lui ai promis de l'y accompagner, il n'y a aucun loup garou, je dois la rassurer. Son chien hurle la nuit depuis huit jours, les chiens, sentent parfois des choses que les humains ne voient.
Les discussions, ici, prennent du temps, on parle d'abord des choses de la vie, des enfants, du temps, puis peu à peu de choses plus importantes, Céline parfois détourne le regard, elle m'a dit que sa fille est allée au rassemblement samedi, avec une copine, dans la sous préfecture, j'ai ri et l'ai assuré que chez nous cela ne risquait rien.
Céline m'a demandé d'un coup.
Et la bohémienne ils l'ont retrouvé?
Je l'ai rassuré, la bohémienne, Hayat Bouméddienne, est certes venue pas trop loin de chez nous mais elle en est repartie, depuis longtemps. Nous avons alors encore parlé de renards, de chiens, de bêtes féroces qui menaçaient le hameau, je sentais Céline toujours très nerveuse, toujours angoissée.
Je suis repartie de chez elle sans savoir si j'avais su la rassurer, elle ferme sa porte de garage et ici, personne ne le fait.
Céline m'a demandé ce que je pensais de Charlie Hebdo, je lui ai expliqué, en deux dessins, juste j'ai dit "enculer" au lieu de "sodomiser", Céline est si loin de toutes ces perversions, mais en ce moment je suis inquiète pour elle, elle a peur, je ne l'avais jamais vu si perturbée, je l'ai rassuré notre hameau restera le même, nous sommes si loin de tout cela, mais depuis trois semaines Céline ferme la porte de son garage, alors je regarde moi aussi mes portes, vérifie si j'ai bouclé la maison, et me demande encore ce qui lui fait si peur.
5 commentaires:
Beau billet !
Inquiétant !
Une lecture qui prend aux tripes.
Chez moi aussi je ferme à clefs et ce soir mes chevaux ne voulaient pas manger: le renard aboyait non loin!
J'aurais dû mettre en titre alors "Peurs en campagne(s? " mais cela aurait contribué à aggraver la panique générale qui s'est installée en France.
Hum, mais Céline a peur depuis avant Noël... Sentait elle le malheur qui allait s'abattre sur nous?
Bon, je rigole, mais j'estime qu'ils en font vraiment des tonnes, que cela ne sert à rien, pire cela nuit à la formidable ambiance des soldes$
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