jeudi 8 octobre 2009

A la campagne

Passer l’été indien en ville est un peu dommage quand on a le choix, j’ai décidé de laisser Lhom s’occuper des ados et de rester la campagne, trois jours de gagnés sur l’hiver



Mes voisines s’en étonnent. " Mais vous n’avez pas peur dans cette grande maison toute seule "

Je fais la brave, mais honnête « Oh, non, vous savez, je ferme la maison à clefs et je m’enferme aussi à clef dans ma chambre, comme cela ça va ! »



Mon chien est un vrai chien de garde, qui aboie lorsqu’il ne dort pas et qu’il en a envie. Je suppose que si quelqu’un s’attaquait à mes fenêtres, il considérerait cela comme parfaitement inconvenant et l’engueulerait copieusement, donc je laisse les volets ouverts.
J’ai le trouillomètre qui explose, parfois le silence me réveille et j’allume la radio afin de ne plus l’entendre. Lorsque la vieille armoire craque, je me félicite de l’avoir soigneusement inspectée la veille au soir.

Chaque soir lorsque je me retire dans ma chambre, c’est fort Boyard, je ferme à clefs, toutes les portes, vérifie que les penderies, armoire et même ma malle ne contiennent pas de chauve souris enragée, et vais même  inspecter sous mon lit. Sur mon chevet, mon artillerie est disposée : lampe de poche, téléphone, verre d’eau. Les nuits ou je suis encore plus parano, j'y dépose une arme de défense, club de golf ou vieille baillonnette…. Je peux tenir un siège en attendant les secours.

Névrosée mais réaliste, quels secours attendre de mes voisins ? Un vrai échantillon du retour à la terre. 

M’sieur Henri, a 80 ans, sourd comme un pot, j’évite de le croiser pour diverses raisons: Il se lave pour Pâques, et doit considérer que cet effort méritoire dure toute l’année, sinon, le risque d’affaiblir l’organisme est certain. Nous ne parlons pas la même langue et mis à part nos longues et délicieuses conversations sur la météo, je n’arrive pas à saisir en général ce qu’il me dit.

Cela donne à peu près cela:
« Ptêt ben qu’le temps va s’met à la pluie, j’espère que ça va pisser fort » 

Moi « Oui les jardins ont besoin d’eau »

Il me regarde d’un air matois, que je t’y parle de jardin, moi, la citadine, qui n’aie pas même un jardin, un vrai : le potager

Juste des fleurs, pas même bonnes pour le cimetière, dans le coin, ils disent que j'ai "un parc"  
jardin pour feignant…. Alors je fais  quelques haricots, des échalas, pas le choix, avant je connaissais les haricots verts et les autres les jaunes, maintenant je connais aussi les échalas, hyper farineux, pas trop mon truc, mais M’sieur Henri m’avait donné un pot de pois à semer.

Les conversations ont un rythme soutenu de trois mots à la minute, et les propos les plus importants sont soulignés d’un mouchage tonitruant du carreau tiré de sa poche ! Le carreau y fait pas l’année, juste le mois.

M’sieur Henri est l’homme le plus adorable de la terre, il nous donne salades et persil, carottes et choux, et rajoute souvent une brassée de fleurs sur la cagette déposée sur ma terrasse.

J’ai aussi le modèle Capucine qui habite la maison derrière chez moi, La Raymonde, en fait, vieille, édentée, bossue, handicapée. Tous les enfants de moins de douze ans en ont peur. Et moi. Parfois elle relève ses jupes dans la cour de sa ferme et fait pipi, ainsi. A l’ancienne. Je vérifie toujours qu’elle n’est pas sur le chemin si je dois sortir mettre une poubelle dans la benne, je sors exclusivement en ballerines, chaussures les mieux adaptées à mon chemin qu’emprunte les moutons deux fois par jour, chaussures surtout dans lesquelles je sais courir si j’aperçois la Raymonde. La Raymonde vit avec sa sœur, une charmante vieille dame, veuve, intelligente et adorable, elle sait que je suis une Alien et ne m’en tient pas rigueur.

Un jeune ménage, un peu trop loin,  complète la population du hameau. Jeune ménage rural. Ma jeune voisine sait tout faire : tuer et préparer une poule, idem lapin, idem, pigeon. Pour les moutons, c’est son mari, je suppose qu’elle sait aussi s’occuper de vaches. Nous nous entendons bien, chance, en cas de cataclysme mondial, je compte sur eux.

J’ai une grande supériorité sur eux : je sais faire du pain et pas uniquement en machine je gagne peu à peu mes galons en faisant des confitures et surtout en les faisant rire.

Aujourd’hui, il pleut, je vais faire du feu, et bouquiner près de la cheminée, en écoutant de vieux vinyles. Je suis sensée travailler, mais j’expédierai deux ou trois de mes trucs du lundi, demain. J’ai le temps de prendre du temps.


pour aller plus loin: les bd, "le retour à la terre" de Manu Larcenet (dans toutes les bonnes librairies, ou alors chez le dieu Fnac) , La chauve souris enragée, cqfd et la chanson de Benabar......

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