dimanche 10 février 2013

M'sieur Henri.

Pour faire plaisir à Françoise,  un sujet local!  100% auvergnat, M'sieur Henri.

Monsieur Henri a 80 ans, il ne  va pas bien, et alterne séjour "à la clinique" et  retour chez lui, il habite la petite maison au bout du chemin, juste derrière chez moi, ses parents y avaient habités avant lui, il y avait fait mettre l'eau courante, puis il n'y a pas si longtemps une salle d'eau et des toilettes qui font encore sa fierté. Monsieur Henri est un homme  "de peu", il était maçon et a travaillé fort dur, fort longtemps,  il avait  fait son service en 57, ce fut le seul voyage de sa vie.


Jamais Henri ne prit des vacances, pendant les congés il travaillait à son jardin, faisait des travaux dans sa maison ou tout autre chose, rester sans rien faire ou avoir des loisirs il ne savait pas faire, il aimait son métier, et toujours avec regrets, il parle d'avoir dû prendre sa retraite, un peu comme si on l'avait déclaré "plus bon à rien". Lorsque la maison fut en travaux, durant deux ans, environ, avec de grandes pauses, il était heureux d'en garder les clefs et de rester avec les artisans, certains étaient de sa parenté, et personne ne se serait risquer de venir travailler à la maison sans aller boire un coup chez lui.  Mon coin d'Auvergne garde le temps de vivre, les gens travaillent beaucoup mais à leur rythme et ensemble, bien souvent.

Jusqu'à il y a trois ou quatre ans, le cochon était préparé chez Henri à  chaque automne, va et vient de voitures, réunions et agapes se mêlaient alors étroitement au travail, femmes et hommes se partageaient les tâches, comme depuis toujours.

Vendredi, le frère de monsieur Henri a mis sa voiture de travers en voulant monter le petit raidillon enneigé  devant la maison, mon homme pelletait la neige, ensemble ils ont permis à la voiture de repartir, pelletées de gravillons et déneigement de la chaussée, mon mari a alors dit son admiration à monsieur Henri qui, été comme hiver, fonce avec sa vieille deux chevaux, je n'y étais pas, mais j'imagine sans peine la scène.

Mon homme disant:
Il n'y a pas mieux que les deux chevaux, ça passe partout! Vous passez tous les jours, quoi qu'il arrive!
M'sieur Henri mâchouillant son éternel brin d'herbe séché, de la vraie herbe,  pas de l'import! Il  a dû avoir un air malicieux dans ses yeux hésiter  un temps et dire
Ah oui, mais j'ai  gardé des pneus à clous, on les met pour l'hiver.
Mon mari a dû conclure
C'est sûr avec ça on ne glisse pas.

M'sieur Henri ne va plus conduire très longtemps, il doit faire au maximum 10km tous les jours, avec des pointes à  60km/h , mais raisonnablement un train moyen plutôt à 40; personne ne lui dit plus rien. Personne ne peut plus rien lui dire, il est delà de nos réalités, un peu comme un auvergnat d'un autre temps, celui où l'on a ni chauffage central, ni salle de bain, ni milles choses qui lui paraîtraient extravagantes, il lit "le journal" tous les jours, le papier lui sert à allumer sa cuisinière, le surplus est soigneusement ficelé, il nous en a donné.

Monsieur Henri donne tout ce qu'il peut, des légumes, des fleurs en saison, il nous a même donné un balai en genêt pour la neige, balai beau, efficace et fait maison.

Personne ne dira rien à ce vieil homme, il est généreux et tout le pays le protège, d'ailleurs la moitié du pays lui est apparenté, ils sont plus de cent à se réunir aux fêtes de famille, même le chef des pompier est un neveu, ils sont tous restés dans la vallée sauf deux aventureux, l'un vit à Clermont-Ferrand, l'autre jeune est marin, marin dans la Marine Nationale, il est parti à Tahiti. Les gendarmes  respectent les us et coutumes de la vallée, sachant très bien que poursuivre ce vieux monsieur ne rimerait à rien et que de surcroît se mettre à dos toute la population pour des broutilles est contre productif.


Bientôt la maison de M'sieur Henri sera vide,  une poignée d'années peut être encore et le hameau perdra son dernier ancien,  le hameau y gagnera en modernité, plus de chien tenu à la chaîne,  et autres particularité de la vraie vie à la campagne, mais arrivera t-on à garder les valeurs d'entraide et de tolérance, les uns vis à vis des autres? Je me pose parfois la question.

Depuis vendredi, le chasse neige passe deux fois par jour sur notre petit chemin, un neveu travaille à la DDE, et en toute vérité, s'il faut un jour, évacuer M'sieur Henri, c'est plus sûr. Ce monde est en train de mourir, on tourne la page, car c'est sûr le chasse neige ne passera plus tous les jours pour quelques maisons.

Lorsque je vois la maison d'en face fermée depuis deux ans, et que j'essaie d'imaginer le hameau dans simplement cinq ans, mon cerveau bloque, je n'ai pas très envie de voir cette page tourner, même si je sais que pour M'sieur Henri, s'endormir pour toujours dans son lit lui éviterait de devoir partir de sa maison, laisser son chien, son jardin, son hameau, les copains qu'il voit tous les jours au café. Parfois la page doit se tourner, la fin de l'histoire risque sinon d'être douloureuse.


6 commentaires:

francoise a dit…

Je te remercie de l'attention,
mais tu m'as foutue le bourdon
d'autant plus qu'à la 1 on vient de voir le docteur de Fournols,
et ce midi, toujours à la 1, LE PUY EN VELAY, le chemin de St Jacques, la Vierge, Eglise St Michel ;
avec mon mari je ne suis partie qu'une fois en vacances, en 24 ans
et pourtant c'était bien, mais y a le jardin, et Diva, la chienne,
je m'évade dans l'histoire...
Quand je vais à la ville en ce moment une fois par semaine, je suis apeurée, mais je persiste.
Excusez-moi, je fais des fautes... alors qu'au boulot, je n'en fais que très peu !
ouais, mais je suis payée...
ça doit être ça !
Au fait, la DDE n'existe plus, on dit la DDT, après avoir été un an, la DDEA...
Je me marre de toutes ses appellations les POS sont des PLU, l'ARS c'était quoi, je ne sais plus...
bref !

Martine a dit…

Tu as raison Pénélope, la vie des villages est souvent triste et onne voit pas un avenir vraiment rose. L'entraide fout le camp, chacun chez soi devant sa petite télé. Moi, je préfère ne pas trop voir l'avenir mais je me pose des questions!!!

Unknown a dit…

mais non, mais non... Bien sûr la vie de hameau/ petit village c'est pas l'avenir. Mais l'entraide ne fout pas le camp!

Je suis une citadine, une vraie, et mon mari pire encore. Et pourtant l'entraide on connait. Stop! pas de déprime du lundi!

Martine a dit…

Alors, soyons positif pour un lundi! Je deviens sans doute vieille! Les vieux sont souvent des pessimistes rabat-joie (sans S évidemment)

Clo a dit…

l'entraide vient plus des personnalités que des coutumes je pense, il faut oser demander parfois et le lien se créé... tout naturellement finalement hameau, village ou cité ;-)
Ici, France telécom s'enmèle les fils dans les connections des maison, quand ils en rebranchent 2 ils coupent la connection à 2 autres... vivent le wifi qu'on se partage à tour de role pour se dépanner ;-D
Bien sûr si le village est vide... pas facile de partager le potager avec son voisin ;-D

jacqueline a dit…

les deux épicières 75 et 78 ans
les deux boulangers 60 et 62 ans
le boucher 60 ans
pas de reprise des commerces en vue
restera le bistrot, les 4 resto mais jusqu'à quand ?
mes voisins les plus jeunes ont mon âge, les maisons se ferment...
triste lundi